vendredi 16 octobre 2020
La Vallée aux Merveilles de Sylvie Deshors aux Editions du Rouergue
Jeanne
est au lycée. Déprimée après une première rupture sentimentale
cruellement étalée sur les réseaux sociaux, elle est envoyée chez sa
tante dans la vallée de la Roya à Soarges, à deux pas de la frontière
italienne. Vacances de Toussaint, météo ruisselante, pas vraiment les
conditions rêvées pour une adolescente en pleine crise
d'autoapitoiement, que l'ennui guette à chaque perte de connection
internet. Miette, la tante, s'absente, fait des mystères et pense
apprivoiser sa nièce avec des tisanes bouillantes. Finalement Jeanne
va découvrir ce qui s'agite dans les recoins cachés des paysages somptueux. Depuis longtemps empruntés par les migrants les chemins de montagne amènent toujours plus de clandestins, traqués, fatigués, affamés, en danger. Des réseaux d'aide, des hébergements se sont mis en place devant la détresse de ceux qui débarquent là, épuisés. Miette et d'autres proposent une trêve, de l'aide, des informations sur le périple qui reste à parcourir, un peu d'humanité. Sylvie Deshors met en scène le portrait d'une jeune femme, à peine moins qu'une enfant, mal avec ses congénères et si peu envieuse de la vie de ses parents. Isolee, contrainte d'établir des liens avec des personnes qui vont bouleverser ses petites certitudes, Jeanne va s'engager, devenir vivante. Elle apprendra au fil des rencontres à relativiser la médiocrité de ce qui se joue dans les réseaux sociaux, moins paraître mais être. Sylvie Deshors ne fait pas de cette histoire simple une lecon de morale. Les évènements s'enchainent, il y a des opportunités, on les saisit ou pas. Pas d'héroisme dans ces lignes, ni de militantisme juste une démonstration de ce qu'est la solidarité, un regard lucide sur la politique migratoire européenne et son non respect de la dignité humaine.
va découvrir ce qui s'agite dans les recoins cachés des paysages somptueux. Depuis longtemps empruntés par les migrants les chemins de montagne amènent toujours plus de clandestins, traqués, fatigués, affamés, en danger. Des réseaux d'aide, des hébergements se sont mis en place devant la détresse de ceux qui débarquent là, épuisés. Miette et d'autres proposent une trêve, de l'aide, des informations sur le périple qui reste à parcourir, un peu d'humanité. Sylvie Deshors met en scène le portrait d'une jeune femme, à peine moins qu'une enfant, mal avec ses congénères et si peu envieuse de la vie de ses parents. Isolee, contrainte d'établir des liens avec des personnes qui vont bouleverser ses petites certitudes, Jeanne va s'engager, devenir vivante. Elle apprendra au fil des rencontres à relativiser la médiocrité de ce qui se joue dans les réseaux sociaux, moins paraître mais être. Sylvie Deshors ne fait pas de cette histoire simple une lecon de morale. Les évènements s'enchainent, il y a des opportunités, on les saisit ou pas. Pas d'héroisme dans ces lignes, ni de militantisme juste une démonstration de ce qu'est la solidarité, un regard lucide sur la politique migratoire européenne et son non respect de la dignité humaine.
mercredi 27 mai 2015
La mémoire en blanc d'Isabelle Collombat aux éditions Thierry Magnier
Isabelle
Collombat a reçu une formation de journaliste et c'est forte d'une
expérience professionnelle auprès de réfugiés rwandais qu'elle écrit sur
ce pays.
Léonie a dix-neuf ans, elle est danseuse et fait partie d'une troupe prestigieuse en Belgique. Dans le train qui la ramène à Lyon vers sa famille, le regard de Léonie s'attarde sur un groupe de jeunes noirs qui semble préoccupé. Elle les voit sur le quai en train de distribuer des tracts. Elle est interpellée mais sans se l'avouer, vraiment plus soucieuse de retrouver sa famille que de s'arrêter sur des pensées dérangeantes. Ses parents adoptifs sont là souriants, un peu guindés, un peu vieillis. Les retrouvailles ont cette raideur que Léonie a toujours connue chez sa mère. Adoptée après trois garçons Léonie a eu une enfance protégée dans un milieu aisé. Dans ce cercle bourgeois, on cache ses chagrins et ses peurs, on donne le change, l'éducation l'apprend. Cependant des agressions s'enchainent sur Léonie et son entourage semant la peur. On ne peut plus traiter le problème avec légèreté. Quand figurante au défilé de la biennale de la danse, on tente de l'enlever, elle est au bord de la folie. Pourquoi, un étrange interlocuteur lui envoie-t-il des messages de menace, adressés à une certaine Alice sur son portable? Toute cette violence n'est pas le fruit du hasard. Sa mère, sous ses apparences froides et soignées perd aussi les pédales. Elle dévoile à Léonie sa véritable origine. Elle, qui se croyait née sous X dans un hôpital de banlieue parisienne vient du Rwanda ramenée en plein génocide dans un convoi d'enfants blessés. A l'aide d'une psychothérapeute très empathique, de son fiancé Raoul, d'un Etienne aux bras longs, Léonie va reconstruire son passé et celui d'un pays qu'elle connait mal. Son père n'est peut-être pas seulement l'homme d'affaire qui vend des systèmes de surveillance à l'étranger. La narration suit les découvertes de Léonie et sa capacité à supporter de vivre avec, comme un thriller, alternant révélations, souvenirs d'enfance et documents historiques.
Isabelle Collombat raconte comment on est arrivé à ce génocide et la part de responsabilité des pays colonisateurs. Elle aborde la politique internationale et ce qu'elle cache d'intérêts privés. Elle fait surgir des figures engagées du monde humanitaire, des personnes ordinaires . On peut espérer que ce livre implacable emporte les adolescents dans son sillon et leur donne envie d'en savoir plus. Sensible sans tomber dans l'insoutenable, toutes les informations sont étayés par des chiffres terribles. Victimes ou bourreaux, les dégats collatéraux sont là pour des générations. Avec Isabelle Collombat, le devoir de mémoire s'ancre dans la littérature jeunesse. Cette passeuse d'histoire et d'Histoire réussit avec son livre à faire un tremplin pour ouvrir les yeux sur le monde, la famille et ses non-dits, comment devenir soi malgré tout et avec panache.
Léonie a dix-neuf ans, elle est danseuse et fait partie d'une troupe prestigieuse en Belgique. Dans le train qui la ramène à Lyon vers sa famille, le regard de Léonie s'attarde sur un groupe de jeunes noirs qui semble préoccupé. Elle les voit sur le quai en train de distribuer des tracts. Elle est interpellée mais sans se l'avouer, vraiment plus soucieuse de retrouver sa famille que de s'arrêter sur des pensées dérangeantes. Ses parents adoptifs sont là souriants, un peu guindés, un peu vieillis. Les retrouvailles ont cette raideur que Léonie a toujours connue chez sa mère. Adoptée après trois garçons Léonie a eu une enfance protégée dans un milieu aisé. Dans ce cercle bourgeois, on cache ses chagrins et ses peurs, on donne le change, l'éducation l'apprend. Cependant des agressions s'enchainent sur Léonie et son entourage semant la peur. On ne peut plus traiter le problème avec légèreté. Quand figurante au défilé de la biennale de la danse, on tente de l'enlever, elle est au bord de la folie. Pourquoi, un étrange interlocuteur lui envoie-t-il des messages de menace, adressés à une certaine Alice sur son portable? Toute cette violence n'est pas le fruit du hasard. Sa mère, sous ses apparences froides et soignées perd aussi les pédales. Elle dévoile à Léonie sa véritable origine. Elle, qui se croyait née sous X dans un hôpital de banlieue parisienne vient du Rwanda ramenée en plein génocide dans un convoi d'enfants blessés. A l'aide d'une psychothérapeute très empathique, de son fiancé Raoul, d'un Etienne aux bras longs, Léonie va reconstruire son passé et celui d'un pays qu'elle connait mal. Son père n'est peut-être pas seulement l'homme d'affaire qui vend des systèmes de surveillance à l'étranger. La narration suit les découvertes de Léonie et sa capacité à supporter de vivre avec, comme un thriller, alternant révélations, souvenirs d'enfance et documents historiques.
Isabelle Collombat raconte comment on est arrivé à ce génocide et la part de responsabilité des pays colonisateurs. Elle aborde la politique internationale et ce qu'elle cache d'intérêts privés. Elle fait surgir des figures engagées du monde humanitaire, des personnes ordinaires . On peut espérer que ce livre implacable emporte les adolescents dans son sillon et leur donne envie d'en savoir plus. Sensible sans tomber dans l'insoutenable, toutes les informations sont étayés par des chiffres terribles. Victimes ou bourreaux, les dégats collatéraux sont là pour des générations. Avec Isabelle Collombat, le devoir de mémoire s'ancre dans la littérature jeunesse. Cette passeuse d'histoire et d'Histoire réussit avec son livre à faire un tremplin pour ouvrir les yeux sur le monde, la famille et ses non-dits, comment devenir soi malgré tout et avec panache.
mercredi 17 septembre 2014
L'homme a la voiture bleue de Sébastien Gendron coll Rat noir aux éditions Syros
Les
parents d'Antoine se sont séparés. Il est parti à Lyon vivre avec sa
mère. Son père a refait sa vie à Villameuse avec Marie Ange. Elle a un
grand fils Victor un peu mutique qui a pour passe-temps de bricoler des
mobylettes dans le garage. Ne pas se laisser envahir par le classique du
décor. Les personnages n'y peuvent rien si le monde tourne de cette
façon. Ce qui est intéressant ce sont les personnalités qui vont
s'affirmer très vite sous la plume de Sébastien Gendron. Le lieu où vit
le père d'Antoine devient rapidement un maillon fort de l'histoire. En
effet, c'est une résidence sécurisée avec gardien et digicode où les
gens se protègent de l'insécurité ambiante. Mais c'est un bout de
société avec les mêmes individus qu'on circonscrit. L'intérieur du
cercle n'est pas moins fragile que l'extérieur. Depuis quelque temps
quand Antoine vient voir son père, Victor n'est pas là. Inquiet, il
s'indigne et se révolte lorsqu'on lui apprend que son demi-frère est en
prison pour homicide. Il a de l'étoffe et on saisit bien que la
situation familiale lui a donné des manières de penser autonomes car
contrairement à ces adultes dépassés par les évènements, il ne se
résigne pas. C'est un gosse qui a pris sa vie en main, déjà très mature.
Remontant le fil des évènements, il casse le petit confort de ces gens
qui veulent la paix chez eux. Tout le monde y croit à la culpabilité de
Victor, c'est le coupable idéal avec son look de petit voyou et sa
mobylette... Même les parents accablés sont convaincus. Je spoilerai à
peine en révélant qu'Antoine va réussir à innocenter Victor en prenant
quelques risques. Pas de surprises, les coupables seront démasqués. Tout
l'intérêt de ce roman, vivement mené, avec des sanglots, de la
tendresse, de l'humour est dans le questionnement sur nos
responsabilités dans la culpabilité des uns et des autres. Chacun joue
son rôle parce qu'il cherche à se protéger ou à protéger quelqu'un...
Intéressant dans une société où fleurissent ces résidences ultra
barricadées, les barrières érigées entre nous et le monde réel grâce aux
réseaux sociaux sur l'internet. C'est un petit gars bien Antoine, un
peu solitaire mais il est dans le concret, il ne passe pas sa vie à
regarder des séries, un peu différent des garçons de son âge et en plus
il a l'air de s'investir à l'école. De quoi s'identifier dans le bon
sens...
samedi 6 septembre 2014
Intemporia : Le sceau de la Reine de Claire-Lise Marguier aux éditions du Rouergue
Le
beau et fougueux Yoran coule des jours heureux dans La Plaine. Jeune
marié à Loda, son petit monde est soudain frappé par une fièvre
mortelle. Quand Loda enceinte tombe à son tour malade, Yoran ne peut
l'admettre. Les anciens lui ouvrent les yeux sur l'histoire de son
peuple et l'envoient chercher un probable remède au-delà du bouclier
magique qui les protégeaient jusqu'à maintenant et dont la force est en
train de faiblir. Là-bas, règne l'impitoyable Yélana sublime séductrice
qui n'a pas peur d'utiliser tous ses charmes et la cruauté de son frère
pour obtenir ce qu'elle souhaite le plus, le pouvoir absolu. Maniant les
codes du conte fantastique avec beaucoup d'aisance, l'histoire prend
bien. Amitié, drames et rébellions en font aussi un récit d'aventures.
Claire-Lise Marguier transforme son héros un peu trop parfait en un
homme marqué par la culpabilité, l'impuissance et les compromissions
(j'aime! Il est beaucoup moins "tête à claque" qu'au début). D'un
personnage exemplaire, on aboutit à un être beaucoup plus consistant,
plus réel surtout animé d'un désir : sauver celle qu'il aime, plus que
sa communauté. De très bonnes ouvertures pour la suite de la
trilogie...
lundi 14 octobre 2013
Le coeur n'est pas un genou que l'on peut plier de Sabine Panet et Pauline Penot aux éditions Thierry Magnier
Awa passe le bac de français à la fin de l'année. Fille de la banlieue entre Sevran et Villepinte, elle s'imagine avec sa copine Agathe déjà plus loin, quand elles auront la chambre d'étudiante à Paris. Mais voilà, une catastrophe inimaginable lui tombe dessus. Selon le code de l'honneur sénégalais, son père l'a promise à un cousin avant même sa naissance en remboursement de la dette qui couvre les frais de l'installation en Europe quand il sont venus chercher une vie meilleure avec sa mère. Ce père ne sait pas que le combat sera rude... C'est sans compter sur sa soeur Dado qui est docteur en biologie et sur les réseaux sociaux qui permettent à Awa de communiquer avec son choisi de futur mari pas follement enthousiasmé non plus par le projet. Il y a Ernestine, la benjamine qui comprend qu'elle a son rôle à jouer et qui s'y donne à fond en incarnant une Agnès irrésistible dans L'école des femmes. Les femmes ne marcheront pas sur les chemins des pères et c'est à coup de mots que la bataille se gagnera. Reposant sur une infinité de détails qui créent un décor hyper réaliste et plein d'humour, le livre passe bien au-dessus des clichés avec cette histoire de mariage forcé. On sort des drames médiatisés à outrance pour lutter avec finesse. Le monde peut bouger sans heurter les intérêts individuels et trouver des solutions que la loi ne dicte pas. L'écriture est souvent drôle, le physique des personnages s'enrichit de détails cocasses sans complaisance mais qui contribuent à leur humanité.
mercredi 21 août 2013
Liber et Maud de Nadia Marfaing aux éditions de l'Ecole des Loisirs collection médium
Maud,
la provocatrice, la fille qui sortait avec Fred, qui appelait Liber
"p'tit môme", celle que les autres filles enviaient en disant du mal, ne
sort plus de chez elle. La chute fût rude. Après un accident de
mobylette, elle a perdu la vue et son visage a de vilaines cicatrices.
Liber force les portes, écarte avec insolence quelques obstacles. Très
mal à l'aise, il tente auprès de Maud des gestes d'approche qui se
concluent par un baiser farouche sur la bouche de la belle couturée.
Puis il l'emmène à la piscine, fait rebondir une balle de ping-pong,
troque sa mobylette contre un tandem. Dans les pires moments, il a
toujours tendance à se jeter sur elle goulument. Elle cède parfois à la
tendresse pour redevenir très rapidement exigeante et insupportable.
Situé dans les années 70, la rencontre ne passe pas par les téléphones
portables. On se voit, on se touche, on s'étreint, on se met à distance
mais la réalité physique du désir est à gérer dans l'instant sans
médiation. Ce roman émeut parce qu'il déjoue les codes de la séduction
et s'attache à des thèmes forts comme la pureté, la manipulation, la
domination. Liber n'est pas un saint mais il est lumineux. Maud est
pénible mais sa rage est puissante.
Les héros tatonnent, le "faire l'amour" n'est pas une évidence mais un questionnement juste dans ce livre à la fois sensuel et plein de retenue. Nadia Marfaing donne la possibilité à Liber et Maud d'actes un peu fous plein de poésie. Parfois mélodramatique, l'écriture se rattrape à l'humour et sait toujours briser les lignes trop convenues par une situation cocasse.
On ne peut rester indifférent à cette histoire, des émotions filtrent. Le thème périlleux est très bien géré et on va jusqu'au bout sans faillir, curieux de savoir si Liber va Liber et Maud...
Les héros tatonnent, le "faire l'amour" n'est pas une évidence mais un questionnement juste dans ce livre à la fois sensuel et plein de retenue. Nadia Marfaing donne la possibilité à Liber et Maud d'actes un peu fous plein de poésie. Parfois mélodramatique, l'écriture se rattrape à l'humour et sait toujours briser les lignes trop convenues par une situation cocasse.
On ne peut rester indifférent à cette histoire, des émotions filtrent. Le thème périlleux est très bien géré et on va jusqu'au bout sans faillir, curieux de savoir si Liber va Liber et Maud...
lundi 24 juin 2013
Les trois vies d'Antoine Anacharsis d'Alex Cousseau collection doado aux éditions du Rouergue
"Mais
ma mère n'entend aucune de mes questions. J'aurai pu tout aussi bien
demander : "Que vas-tu faire de moi, et moi qu'est-ce que je vais faire
de la vie que tu me donnes, que faut-il faire, chacun de nous, quand la
vie nous est offerte?" Ma mère n'entend jamais les questions que je
pose. Elle m'explique que la tortue se nourrit d'algues. Et tandis
qu'elle rapporte des poignées d'algues ramassées sur la plage, je me dis
que les questions restées sans réponse sont des sortes d'algues qui
s'échouent n'importe où en silence." p15
"- Qu'est-ce que tu lui dis? l'interrompt mon père.
- La vérité.
- Epargne-le avec ça.
- Si tu veux l'épargner, il faut l'empêcher de naître, répond ma mère."p37
Alex Cousseau façonne et fait naitre des êtres de chair avec ses mots. Le petit enfant contenu dans ce ventre là, viendra au monde dans des conditions improbables. Sa mère lui murmure sans cesse son histoire, de Nova à Novaaaa, de celle qui a aimé le fameux pirate Olivier Levasseur à elle qui aujourd'hui porte en médaillon la carte d'un mystérieux trésor qu'il a jeté dans la foule le jour de son exécution. Elle aura le temps lui donnant naissance et sombrant avec le navire de lui léguer cet indéchiffrable cryptogramme. Après une période "kraken" Taan se réveillera Antoine sous la protection de Mr Blind pour finalement devenir Anacharsis. Il apprendra à lire et la connaissance de la médecine par les plantes. D'une vie à l'état de nature dans les îles du pacifique, il sera successivement esclave, voleur ou fugitif, chasseur de baleine . On croise des personnages célèbres, marginaux dont les destins incroyables sont aussi des petits signes de piste à suivre. Dans les livres d'Alex Cousseau, la mort projette dans d'autres dimensions qui relancent les trajectoires, apportent l'amour ou l'amitié. Après avoir cherché pendant des années un trésor qui n'a d'importance que parce qu'il est l'objet d'une quête initiatique, d'une découverte du monde, les héros s'apaisent, cessent de s'agiter et se fondent dans le grand amalgame humain. Ils font silence ayant trouvé l'essentiel .
Il y a de la poésie et surtout de l'aventure, quelque chose qui transporte bien au-delà de soi-même et donne soif. Ce roman pour adolescent sort du lot, appelle à la découverte et à la culture. Quand Alex Cousseau fait de Edgar Allan Poe un personnage de fiction, on a envie d'en savoir plus, de relire ses nouvelles. Il y avait déjà dans "Je suis le chapeau" toute cette poésie, cette magie émaillée de rencontres merveilleuses. Les Trois vies d'Antoine Anacharsis est le fruit d'une belle imagination qui fonctionne à plein régime entrainant son lecteur à sa suite dans un monde de rêve qui nous change un peu des livres centrés sur l'égo d'adolescents en plein mal-être subissant sans espoir les fractures du monde.
"- Qu'est-ce que tu lui dis? l'interrompt mon père.
- La vérité.
- Epargne-le avec ça.
- Si tu veux l'épargner, il faut l'empêcher de naître, répond ma mère."p37
Alex Cousseau façonne et fait naitre des êtres de chair avec ses mots. Le petit enfant contenu dans ce ventre là, viendra au monde dans des conditions improbables. Sa mère lui murmure sans cesse son histoire, de Nova à Novaaaa, de celle qui a aimé le fameux pirate Olivier Levasseur à elle qui aujourd'hui porte en médaillon la carte d'un mystérieux trésor qu'il a jeté dans la foule le jour de son exécution. Elle aura le temps lui donnant naissance et sombrant avec le navire de lui léguer cet indéchiffrable cryptogramme. Après une période "kraken" Taan se réveillera Antoine sous la protection de Mr Blind pour finalement devenir Anacharsis. Il apprendra à lire et la connaissance de la médecine par les plantes. D'une vie à l'état de nature dans les îles du pacifique, il sera successivement esclave, voleur ou fugitif, chasseur de baleine . On croise des personnages célèbres, marginaux dont les destins incroyables sont aussi des petits signes de piste à suivre. Dans les livres d'Alex Cousseau, la mort projette dans d'autres dimensions qui relancent les trajectoires, apportent l'amour ou l'amitié. Après avoir cherché pendant des années un trésor qui n'a d'importance que parce qu'il est l'objet d'une quête initiatique, d'une découverte du monde, les héros s'apaisent, cessent de s'agiter et se fondent dans le grand amalgame humain. Ils font silence ayant trouvé l'essentiel .
Il y a de la poésie et surtout de l'aventure, quelque chose qui transporte bien au-delà de soi-même et donne soif. Ce roman pour adolescent sort du lot, appelle à la découverte et à la culture. Quand Alex Cousseau fait de Edgar Allan Poe un personnage de fiction, on a envie d'en savoir plus, de relire ses nouvelles. Il y avait déjà dans "Je suis le chapeau" toute cette poésie, cette magie émaillée de rencontres merveilleuses. Les Trois vies d'Antoine Anacharsis est le fruit d'une belle imagination qui fonctionne à plein régime entrainant son lecteur à sa suite dans un monde de rêve qui nous change un peu des livres centrés sur l'égo d'adolescents en plein mal-être subissant sans espoir les fractures du monde.
mercredi 8 août 2012
Irina vs Irina de Jakuta Alikavazovic coll medium aux éditions de l'Ecole des loisirs
Seule avec son père écrivain Georges, Irina est l’héroïne de ses
romans avant d'être sa fille. La blonde espiègle aux cheveux longs
croise l'Irina réelle dont les pensées s'échappent de plus en plus loin
de ce personnage dont son entourage croit qu'elle est l'incarnation.
p12 "Je porte des chaussures d'enfant ; mes cheveux sont plus
longs qu'il m'est agréable. La nuit parfois, ils essaient de
m'étrangler. Je suis blonde et c'est toujours une surprise dans le
miroir"
Dans l'appartement d'en face, il y a le nouveau voisin, Bernard,
qu'Irina observe. Un peu fou , un peu zombie, il incarne un prince pas
très charmant qui la sauvera peut-être de ce qu'elle ne veut plus être.
Derrière les fenêtres, la solitude et l'ennui sont des vrais
personnages...
p18 "Les chiens, on leur met un collier ; les petits frères on
leur donne un téléphone portable. Etre joignable c'est une erreur à ne
jamais commettre"
Depuis que ses parents sont morts, Bernard vit seul avec son
frère. Son comportement étrange l'a amené à être déscolarisé. Il est un
peu perdu. Ses souvenirs lui échappent figés dans des objets qu'il
revêt, lunettes, boucles d'oreilles de sa mère, manteau. Quand on
propose à Georges de faire une comédie musicale de ses "Irina", c'est la
vraie Irina qui est pressentie pour le rôle. C'est très drôle et
touchant, pas tendre avec les adultes. Bernard dans sa maladresse va
fracasser les miroirs et tenter de faire sortir Irina de son image. On
ne sait pas si à la fin, les adultes reprendront le sens du réel entre
Georges enfermé dans ses créations, le frère médecin qui se noie dans le
travail et la tante Solange qui refait sa vie ratée avec sa nièce.
Beaucoup d'humour et quelque chose de l'enfance si particulier et
fragile s'écrit dans ce livre émouvant sur la solitude de deux gamins.
mardi 31 juillet 2012
Toute la vie de Jérôme Bourgine collection exprim' aux éditions Sarbacane
Daniel le voisin du dessous rencontre les deux mômes Michel et
Hannah de la voisine du dessus Iza. Ce sont les quatre voix majeures du
livre qui vont d'emblée nous faire entrer dans leur jeu parfois grave et
tendre, tantôt sordide et vulgaire. Rythme effréné du style qui relate
entre intérieur nuit et extérieur jour les sentiments de personnages
tous aussi assommés les uns que les autres par la vie. Michel tient la
palme avec son cancer, son obésité, ses difficultés scolaires et son mal
d'amour. Hannah peut se sentir maître du jeu avec ses dons de télépathe
et son intelligence supérieure. Quant à Iza c'est un monstre maltraité
par les hommes, inapte à aimer ses enfants, coléreuse et l'objet des
phantasmes masculins. Le livre est captivant surtout quand il se débat
contre le sirupeux, rebondissant avec humour sur les situations les plus
affreuses. Jérome Bourgine pousse cependant le bouchon un peu loin
parfois par accumulation de sordide. Sa philosophie fumeuse du grand jeu
en réseau dont on est le héros face à ce gamin qui se débat dans la
peur de mourir, m'a agacée. Après quelques pirouettes qui servent à
masquer la gravité des évènements, on sort de ce livre déçu malgré sa
belle énergie et le caractère attachant de Daniel et Michel. Un peu fou
mais on se laisse prendre et plutôt destiné à des 3ème, 2de.
vendredi 27 juillet 2012
Imago de Nathalie Legendre collection Soon aux éditions Syros
Bien
après le « grand
chamboulement », le peuple K’awil vit
isolé du reste du monde derrière des hautes montagnes tandis que de
l'autre
côté auraient survécu les T’surs. Organisée en clans ayant chacun une
spécialité, la vie des K’awil est
rigoureusement rythmée selon des rites de passage et d’apprentissage.
Tous les
membres de la communauté passent dans chaque clan pour y acquérir des
compétences. C'est très important pour les hommes qui devront adopter
celui de
leur compagne. Neï, orpheline, est élevée par sa grand-mère Lukvu chef
des
armuriers. Quand sa sœur est sauvagement tuée par un tigre K’tioni dans
la
forêt avec son compagnon, elle adopte sa petite nièce qui vient de
naître. Elle
est au seuil de l’âge adulte mais n’a pas encore passé son « imago »,
la cérémonie qui lui permet d’y accéder. Elle doit faire des choix
qu’elle
pensait pouvoir laisser encore longtemps en attente. La vieille sorcière
du
clan des armuriers sent en elle une énergie nouvelle, une intelligence
sensible
propre à faire de Nei un chef hors du commun. C’est un monde dur où la
nature
luxuriante et grandiose donne aux personnages une liberté, la
possibilité d’une intimité que la vie en communauté ne permet pas. Il y a
dans les
montagnes des animaux féériques dont la sagesse parle par télépathie.
Grâce à son
insatiable curiosité Neï explore des galeries au fond des grottes qui
conduisent au peuple T’sur vers lequel son père se serait échappé. Là,
deux
univers s’entrechoquent permettant à Nathalie
Legendre d’offrir à ses lecteurs une belle réflexion sur l’organisation,
l’éducation et l’éthique d’une société. Jamais dogmatique, il y a à la
fois de
l’émotion et de l’action, de la réflexion et du suspens dans un roman
toujours
enlevé où l’intensité dramatique est solidement maintenue. Le shéma
classique
des bons sauvages finalement bien plus droits et respectueux des uns et
des
autres est certes repris mais c’est compensé allègrement par la place
accordée
aux femmes. Le pouvoir est matrilinéaire. Ce qui n’est pas sans créer
des tensions parmi les hommes qui se sentent parfois défavorisés. On les
voit
tenter avec difficulté de changer le mouvement et les voir confrontés à
un
pouvoir féminin bien établi est particulièrement intéressant …
Une très bonne lecture qui
emporte dans une imagination fertile sans chercher à être crédible mais pose
des questions sur nos vies et redonne à la nature la place d’interlocuteur sans
fard qu’elle mérite avec sa cruauté et sa beauté. Un peu cliché ? Non, l’écriture
est fluide et le caractère des personnages sans concession. On est pris dans le
récit et c’est bon.
lundi 23 janvier 2012
Good Morning Mr Paprika de Lucie Land aux éditions Sarbacane coll Exprim'
Atterrir sur un kiosque à journaux, cligner des yeux pour prendre l'aspect d'un jeune Terrien aux cheveux mi-longs affublé d'un skate... Ainsi commence la découverte de cette planète étrange, bruyante et dangereuse parce qu'on a gagné au bingo du jeudi sur la planète Bleue. Arshok a bien quelques notions tirées des séries télévisées et des romans-feuilletons sur les moeurs et coutumes des Terriens de même qu' une montre Rollis pour l'instruire sur le vif mais c'est sans compter sur son insatiable curiosité. L'amour, la peur, la beauté, la musique l'envahissent et il devient très vite plus humain qu'un humain. Séduit par la vie, il comprend ce qu'avait voulu lui faire comprendre Mr Paprika, son voisin sur Bleu disparu lors de sa dernière téléportation et qu'il aimerait bien retrouver. Le monde danse autour de lui à la fois séduisant et terrifiant, si imprévisible mais tellement irresistible malgré la mort, la vieillesse, la folie. La Terre de Lucie Land est semée d'humour et de fantaisie que son bleuté saisi d'instinct. Quand elle met entre les mains d'Arshok, héros candide et généreux, Narcisse et Goldmund, ce n'est pas anodin. Il y a une révolte contre un monde lisse et sans surprise, une envie de sensualité, de musique et de justice. L'auteur s'amuse à semer des indices historiques, culturels avec légèreté et on espère bien que les lecteurs vont mordre à l'hameçon.
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