samedi 11 février 2012

Les séparées de Kethévane Davrichewy aux éditions Sabine Wespieser

Deux époques, deux filles, tous les tubes des années 80, ce livre a la couleur d'une génération.  Rien qu'en lisant les deux premières pages, qui ne se retrouve pas immédiatement plongé dans l'explosion de cris et dans l'ambiance de l'élection de François Mitterrand? Alice et Cécile sont devenues amies à la maternelle. De deux milieux très différents, elles ont traversé l'enfance dans leur monde, sur le mode fusionnel, se trouvant chacune des raisons de se plaire. Trente ans plus tard Alice feuillète dans un journal  une rétrospective des années quatre-vingt.  Elle s'interroge sur les raisons de sa rupture avec Cécile alors qu'elle est en train de quitter son mari.  Cécile, elle, a eu un accident de voiture. Elle est à l’hôpital dans le coma et pendant que s'agite autour d'elle sa famille, elle n'a qu'une personne en tête Alice . Qui trahit qui et comment la vie trouve le moyen de séparer ceux qui s'aiment. Les maris, les enfants, et les deuils qui engloutissent des grandes parts de nous-mêmes, petits renoncements, admiration qui se mue en envie, rivalités professionnelles et amoureuses. Parce qu'il y a aussi Philippe qu'elles adorent, sur lequel elles fantasment, le premier homme de leur vie. Subtilement en faisant dialoguer intérieurement ses deux personnages, Kethevane Davrichewy réussit un montage savant où l'émotion nous tient du début jusqu'au regard final. 

p11 :"Les disques de Julien Clerc passaient en boucle. Dès qu'elles étaient seules, Alice et ses sœurs montaient le son. Les chansons du dernier album faisaient l'unanimité alors que leurs goûts différaient en tout. Elles se mirent à hurler : 
        Mais elle est
        Ma préférence à moi
Le lendemain, les images de la  Bastille furent retransmises à la télévision. Ses parents étaient au premier rang, hilares sous la pluie. Dans l'école catholique où elle était inscrite  pour sa proximité plus que par conviction religieuse, cela fit sensation.
Alice se réjouit de prendre part à un évènement historique puis les réflexions fusèrent. Elle était passée dans le camp ennemi. Les familles de la plupart de ses camarades étaient prêtes à quitter le pays, Alice se risqua à argumenter, créant des tensions inutiles. Les épreuves de Français approchaient.
Elle cessa de parler politique en classe. Cécile et elle, se consacraient à leurs projets artistiques et s'aimaient tendues vers le même idéal dont le visage leur échappait mais qui les aspirait."

Cette semaine le 9 Février 2012, Kethavane Davrichewy était à  "la grande table" sur France Culture avec Alain-Julien Rudefoucauld pour Le Dernier Contingent.





1 commentaire:

sybilline a dit…

Merci pour cette très belle critique qui m'a convaincue !!