Julie Wolkenstein est née en 1968, Juin 1968. Une année mouvementée mais elle ne peut vraiment pas s'en souvenir. Toute la panoplie de Julie Wolkenstein est dans La Route des Estuaires comme une malle éventrée d'où sortiraient les vêtements remisés, et l'idée qu'on en avait. La maison à Saint-Pair (qui a occupé mes vacances que j'étais allée passer à coté de Granville par hasard une année à Pâques alors que je venais de lire avec enthousiasme Adèle et moi (2013), il y a 10 ans donc); la route toujours; la nostalgie de quelques titres de chansons que de générations en générations on se passe pour danser sur la piste; le cinéma mais qu'est ce donc que le prolepse préparatoire? Analyse d'images d'une précision maniaque d'un flashforward de The walking dead pour les amoureux de cette série; Les écrivains préférés ou livres préférés (attention nuance) surgissent au détour d'une phrase puis le père, la mère, le demi-grand frère. Vous avez l'ossature. Et l'histoire? Ce livre raconte ce qui ne s'est pas passé dans sa vie, ce qui lui est passé au-dessus ou peut-être en travers, laissant des traces d'incertitudes, une curiosité morbide pour ce qui est un souvenir enfoui, bien enfoui. Mais pourquoi j'ai oublié? pourquoi je ne sais rien? la tristesse devait être insondable à la mort accidentelle de ce petit frère âgé de deux mois. C'est surtout la route du chagrin de ses parents qu'elle cherche comme si l'envie de consolation était toujours là. L'énergie que les enfants mettent à consoler est immense, ils ne veulent pas raviver le chagrin, ils effacent en actes, sautent, jouent, courent, sont peut-être même un peu casse-cou pour qu'on n'oublie pas qu'ils sont en vie. Et le silence des parents est celui qui protège, une armure de tendresse. Il y a des évènements que l'on connait mais dont on n'a pas la mémoire. A l'inverse, dans nos têtes nous avons des prolepses, des choses que l'on croit avoir déjà vues, inquiétantes d'étrangeté.
La structure est complexe, on ne voit pas bien où mène cette autoroute, on
remonte le temps doucement, les fêtes du 14 Juillet à Houdan mémorables refont surface grâce à
la magie du caméscope d'Hervé mort depuis (seuls les morts auront leurs
vrais prénoms). Quelques années jusqu'aux
trente ans qui marquent la fin de l'insouciance et le début peut-être
de ce qu'on perd, une forme de jeunesse, des amis que décidément on ne
verra plus
Il y a dans l'écriture de Julie Wolkenstein, une légèreté, une nostalgie vibrante à laquelle on est sensible ou pas; Ce n'est pas son livre le mieux construit, le plus soigné mais les liens qu'elle tisse entre hier et aujourd'hui sont profonds, solides, ancrés dans un passé qui soudain devient le notre, fait écho à une route que l'on a prise aussi, sans être le fils ou la fille de, mais voilà elle dit l'histoire d'une famille et l'on pourrait écrire que les familles malheureuses le sont toutes à leur façon mais qu'il n'y a pas de bonne manière de l'être moins.
L'amour de la littérature pointe en tête de chapitres (James, Fitzgerald avec l'admiration pour Alex Beaupain cité plusieurs fois comme Lise Charles)
On ne résistera pas alors à mettre les paroles de la chanson d'Alex Beaupain, comme fredonnée tout au long de la Route des Estuaires :
Je suis ma mère qui dit et mon père qui se tait
Je suis ce qui grandit, trop vite et puis après
Je suis celui d'avant qu'on regrette
Je ne suis déjà plus un enfant, un berceau, puis un lit
Passé le temps des couches, ces heures que rien n'arrête
Un pouce dans la bouche, bientôt une cigarette
Je suis ma soeur qui pleure
Parce qu'à 12 ans je dis que je voudrais qu'elle meure
Je suis mes saloperies
Je suis des autoroutes qui sillonent la France
En octobre et en août, un automne en vacances
Je suis la mer immense, les forces de l'esprit
Je suis des gens qui dansent aux 20 ans d'un ami
Je suis tout ceux que j'aime, longtemps et plus du tout
Je suis resté le même pourquoi pas eux du coup
Je suis combien de croix , je suis combien de tombes
Avant que je ne ploie, je suis la neige qui tombe
Le bruit de mes chaussures dans le blanc de décembre
Et mes éclaboussures dans le noir de mes chambres
Je suis un corps qui tremble sous tes caresses
Je suis pas grand-chose, il me semble que je suis aujourd'hui
Hier et puis demain je suis la vie qui passe
Déjà je suis en train et des photos de classe
Je suis un dernier souffle, je suis un premier cri
Un vieil homme en pantoufles, un bébé en body
Je suis tout résumé, le meilleur et le pire
Quand tout est consumé, je suis un souvenir
Je suis un dernier souffle, je suis un premier cri
Un vieil homme en pantoufles, un bébé en body
Je suis tout résumé, le meilleur et le pire
Quand tout est consumé, je suis un souvenir
Quand tout est consumé, je suis un souvenir
Quand tout est consumé, je suis un souvenir
Je suis un souvenir
Je suis un souvenir
Je suis un souvenir
Je suis un souvenir