samedi 29 septembre 2012

Pourquoi être heureux quand on peut être normal? de Jeanette Winterson traduit de l'anglais par Céline Leroy aux éditions de l'Olivier

P 52 "L'existence n'est qu'une question de seconde chance et tant que nous serons en vie, jusqu'à la fin, il restera toujours une autre chance."

Il y a des écrivains qui parlent d'eux et et c'est un monde qui nait.  Jeanette Winterson revient sur son premier livre "Les oranges ne sont pas les seuls fruits" réédité en même temps que "Pourquoi être heureux quand on peut être normal?" Et là, il ne s'agit pas d'une simple affaire commerciale, elle a quelque chose à nous dire. Elle relate comment sa mère a eu honte et acheté son premier livre sous un faux nom . Il faut dire que sa mère n'y est pas totalement à son avantage.  Elle dit p13 : "Je ne me souviens pas d'un temps où je n'ai pas dû confronter ma version à la sienne..." et touche l'essentiel. Qui sommes-nous, si ce n'est des personnages où la réalité se mêle à la fiction? Elle dit que l'écriture exprime la part de silence de l'histoire. Elle ne raconte pas sa vie, elle la crée bien au-delà de la succession d'évènements et de pertes qui la jalonne. Certes la vie de Jeanette Winterson n'est pas celle de tout le monde. Elle cumule entre l'enfant adopté qui n'est pas celui qu'on espérait et  la mère fanatique religieuse persuadée que "le problème avec les livres, c'est qu'on ne sait jamais ce qu'ils contiennent avant qu'il ne soit trop tard" p 47. Quand, comble de provocation, elle affirme son homosexualité, sa mère a cette phrase fantastique : "Pourquoi être heureux quand on peut être normal?". Dans cette histoire, le livre est un personnage à part entière. Jeanette Winterson dévore des livres interdits qu'elle cache sous son matelas. Les émotions qu'ils procurent sont de véritables rencontres qui forgent le destin et l'autodaffé qu'en fait sa mère ne pourra détruire ce qu'ils ont déjà amorcé chez sa fille.  Dans un grand hommage à la bibliothèque municipale où elle commence méthodiquement par la lettre A, les livres la sauvent, lui permettent de rester en vie et au-delà de devenir écrivain. Je pense à Janet Frame dont le livre "autobiographique" Un ange à ma table est de la même trempe. Quand l'écriture permet de trouver le sens et ne cherche pas à régler des comptes, les écrivains font des livres palpitants à leur tour salvateurs.

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