dimanche 7 mars 2010

Cette vie de Karel Schoeman traduit de l'Afrikaans par Pierre-Marie Finkelstein aux éditions Phébus

Une vieille femme paralysée, aveugle et mourante, dans sa chambre d'enfant raconte cette vie qui a été la sienne. Elle voudrait en finir pour ne pas se souvenir, pour ne pas trahir, elle qui ne comptait pour rien dans ce monde frustre mais pourtant ambitieux du Roggeveld paysan de la fin du XIXème. Le récit avance dans un souffle d'une fabuleuse continuité tricotant le tissu d'un linceuil qui viendra à la dernière page recouvrir tout. Pas un vide et pourtant au bout du compte on en saura si peu. Pieter, Jakob et Sofie, Mans des noms, des bribes de souvenirs qui construisent une histoire où l'imagination du lecteur ira combler les manques. Toute la magie du livre est là: dans les paysages sublimes du Roggelveld, des personnages impossibles à comprendre qui nous entrainent cependant dans leur quête obstinée. Quand ils s'écartent du sillon qu'une volonté bien au-delà de Dieu même, écrit dans leur chair, ils sont perdus et les mythes refleurissent sur les rochers, Cain tue éternellement Abel et Dieu punit ceux qui goûtent au fruit défendu, le fils prodigue revient toujours. C'est terrifiant. Les yeux qui se ferment là, emmènent avec eux un monde révolu dont la cruauté mais aussi l'opiniatreté laissent un goût de cendre et de poussière : "souviens-toi que tu es né poussière et que tu redeviendras poussière".
 On est pris dans le mystère, suspendu au souffle de cette femme qu'on soupçonne parfois de ne pas vouloir tout dire, elle sait mais l'amour dans ce monde là reste bien enfoui entre les pierres du cimetière.

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