vendredi 30 décembre 2011

Une femme fuyant l'annonce de David Grossman traduit de l'hébreu par Sylvie Cohen aux éditions du Seuil 22,50 euros

 
Les premières pages mettent l'eau à la bouche avant un très bon passage avec le chauffeur arabe. Il y a Avram, personnage magnifique, très réussi dont l'expérience dans les prisons égyptiennes, marque d'une empreinte forte ce livre. Il aurait tout fallu construire sur lui. Il aime d'un sublime amour Ora, celle qui fuit l'annonce en partant faire un périple en Galilée. Elle ne veut pas ouvrir la porte aux messagers de l'armée qui pourraient lui annoncer la disparition de son fils lors d'une opération militaire pour laquelle il s'est porté volontaire alors qu'il finissait son service dans l'armée. David Grossman réussit très bien à rendre un climat, celui de la vie quotidienne des arabes et des israëliens. On comprend l'embrigadement, l'enfermement dans une destinée que l'on aurait pu choisir toute autre. Ora l'héroine raconte son fils comme pour le garder en vie. Des premières tétées à l'adolescence, elle n'arrive pas à émouvoir, ça reste des anecdotes et là on s'ennuie profondément. Complètement axée sur son Ofer de fils, sur son premier mari qui l'a quittée et est en voyage quelque part avec son fils ainé, on rêve pour elle d'un autre horizon, plus vivant. Je pensais trouver un roman sur le conflit israëlo-palestinien mais on a l'impression de lire le journal intime d'une mère de famille un peu triste et mal aimée. Décevant aussi qu'il n'y ait pas d'analyse politique. Certes David Grossman se désole avec ses personnages du côté vain de ce conflit puisque Ofer glisse dans l'oreille de sa mère que s'il lui arrive quelque chose, il voudrait qu'elle quitte le pays. Aucune solution pour sortir du piège. Sept cents pages en plus, c'est long. Tous les auteurs n'écrivent  pas Anna Karénine.  On se dit que parfois qu'on aurait mieux fait de relire un bon Tolstoi plutôt que ces romans fleuves dont le succès tient à l'actualité du moment, à la médiatisation de l'auteur et parce qu'un président américain a dit l'avoir posé sur sa table de nuit...  



Pour avoir une idée de ce qui est paru dans la presse au sujet de ce livre, il y avait un article dans l'Express et dans Le monde tous deux élogieux :
http://www.lexpress.fr/includes/rssthemeredirect.asp?id=1021981
http://www.lemonde.fr/livres/article/2011/08/25/david-grossman-et-le-fils-eternel_1563292_3260.html


p65 "(...) et elle luttait contre l'envie de prendre sa tête entre ses mains pour contempler son âme au fond de ses yeux - une âme qui lui échappait depuis des années - , avec un sourire chaleureux et un clin d’œil, comme si, d'un commun accord, ils jouaient à chat pour s'amuser - mais elle n'en avait pas le courage et n'osait pas non plus lui parler franchement, d'une voix exempte de rancœur ou de reproches : " Dis, Ofer, pourquoi ne sommes-nous plus amis comme avant? Bon, d'accord, je suis ta mère, et après?"

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