dimanche 15 mai 2011

Querberies

 Les Mangeurs de Pommes de Terre de Vincent Van Gogh




Il faut se perdre dans la campagne pour aller à Querbes, faire trois fois le tour d'Asprières avant de trouver la petite route qui monte jusqu'à l'Olympe en pays Querbu. Sur des pancartes crépusculaires, on a vu écrit en rose et jaune fluo : "Les nuits et les jours de Querbes", antique affiche qui montrait la modestie de la manifestation. Si un homme n'avait pas eu l'air de nous attendre dans le couchant tel un cow-boy devant un vieux ranch, on aurait peut-être rebroussé chemin. On a garé la carriole au bord d'un fossé aux herbes folles. Une fois poussée la porte vermoulue, on était pris à la gorge par l'odeur de soupe. Dans la pénombre, les bancs étaient remplis d'individus asexués, en pleine fornication intellectuelle. C'était gênant, on avait l'impression d'arriver à une soirée déguisée sans avoir été prévenu. Comme tout le monde nous regardait d'un air farouche, on s'est assis sans payer, mettant la tenancière dans la confusion, L'écrivain avait vraiment l'air d'être soumis à la question, sous sa petite lampe orangée. Dans le coin à gauche, le lecteur faisait des exercices de relaxation pendant que la flutiste se disait qu'entre le feu et la poussière des poutres, elle frisait la crise d'asthme. L'horloge mettait une pointe d'humour à scander les heures toutes les heures. C'était comme un message d'espoir. L'écrivain cuisait à petit feu, retourné inlassablement par le petit homme chauve qui le cuisinait. Parfois dans l'obscur réduit montait une voix  rigolarde et tutoyante, excitée par une révélation touchante qu'elle tentait de faire partager à ses camarades sagement rangés dans leurs chemises coupe Laguiole. J'aurai bien posé une question rigolote à Christian Garcin mais je ne parlais pas assez Querbien pour oser (en fait je n'avais en plus pas lu le livre et je ne connaissais pas grand chose sur le bouddhisme, les momies desséchées et les renards curieux).Au signal tous les querbistes  étaient alignés pour la bonne soupe servie dans les assiettes de ma grand-mère et cuillères typiques. Le vin, qui provoqua un "oh pétard!" étonné chez ma voisine de banc, coulait directement du tonneau. C'était la fête, une folle gaieté se devinait sous les visages impassibles qu'une pudeur, toute étrangère à mon tempérament , couvrait. On a refermé la porte vermoulue sur ce monde clos non sans avoir demandé à Christian Garcin une dédicace. Il était temps pour nous de faire les femmes qui disparaissent avant d'être momifiées dans cet étrange terrier...

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