Jacques Baudou dans la préface place Ed Mc Bain à côté de Donald Westlake au titre de "monstre sacré du polar". Je ne sais même pas quel enthousiasmé m'a donné envie de lire du Mc Bain. Je vis à Isola depuis 828 pages sans honte et sans regrets alors que j'ai à cette époque de l'année un appétit plutôt vorace pour la rentrée littéraire. Il y en a qui font des cures de raisins à l'automne, j'absorbe des grappes de 87ème district. Mais comment diable je suis tombée la dessus et restée clouée le long de ces 828 pages déçue presque d'arriver au dernier opus Souffler n'est pas tuer (Lady Killer in English) du tome 1 de la réédition complète des Chroniques du 87eme district qui en comptera 9.
Le 87ème district est une planète, une bulle qui vous absorbe. Isola, l'immense mégapole où se situent les actions n'existe pas, vous ne le croirez peut-être pas et vous irez faire des recherches inutiles sur Google Map. Elle est tellement réelle, magnifique et immense, torride ou glaciale au gré des saisons, tentaculaire, véritable prototype de la ville américaine, explosion de bruits et d'odeurs grâce à l'écriture précise d'Ed Mc Bain."La ville s'offre comme un écrin éblouissant de bijoux précieux, stratifiés en couches lumineuses d'une vibrante intensité. Les immeubles forment le décor. Face au fleuve, ils brillent de tous leurs feux artificiels. On les contemple, fasciné, en retenant sa respiration. Derrière les immeubles, derrière les lumières, il y a les rues. Dans les rues, il y a les ordures." Les personnages sont les inspecteurs du 87ème district. Une panoplie d'hommes et de femmes aux caractéristiques reprises avec des variations à chaque nouvelle enquête, Steve Carella le meilleur à la beauté orientale qui épousera la petillante Théodora sourde et muette, Byrnes avec sa tête en forme de rivet celui qui dirige la brigade, Havilland le flic le plus détesté du Barrio, Hal Willis le petit judoka, Danny Le Boiteux l'indic. Les enquêtes sont l'occasion de visiter les strates d'une société pyramidale; On y croise les professions les plus diverses. Le sens de la formule d'Ed Mc Bain crée des dialogues vifs, plein d'humour. Les digressions merveilleuses du narrateur quand Carella évoque sa lecture d'Ulysse de Joyce en croisant les belles jambes de deux irlandaises :"Nom de nom le mal qu'il avait eu à le finir, ce bouquin, malgré toutes les belles irlandaises". Mais aussi parfois une voix désabusée s'exprime au détour de drames que tous ces policiers sont amenés à rencontrer.
Une lecture complètement addictive. Ed Mc Bain alias Richard Marstens, Hunt Collins, Evan Hunter né Salvatore Lambino est un conteur fascinant. Il décrit des corps, la chaleur, le froid, une ambiance, des rapports humains. Tout l'intérêt des enquêtes tient dans ce panorama où des hommes revêtent un uniforme mais jamais ne sont effacés par leurs missions.
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