vendredi 29 avril 2016

Les âmes et les enfants d'abord d'Isabelle Desesquelles aux éditions Belfond


Isabelle Desesquelles, au départ journaliste, a cheminé parmi les livres en tant que libraire avec La Boucherie, rue Monge à Paris puis a été directrice de la librairie Privat à Toulouse. Une trajectoire qui mène à la source de l'écriture comme une évidence avec la fondation d'une résidence d'écrivain dans le Lot : La Maison de Pure Fiction où est venue s'asseoir très récemment Emmanuelle Pagano et avant elle Sophie Divry, Cécile Coulon, Jaume Cabré, Jean-Noël Pancrazi. Et puis Isabelle Desesquelle écrit ; son précédent livre Les Hommes meurent, les femmes vieillissent faisait partie de la liste des sélectionnés par le jury du Fémina. Dans un salon d'esthétique, des femmes liées par un deuil venaient confier leur corps à Alice, dévoilées par cette relation, dans leurs désirs et leurs peurs. Les Ames et les Enfants d'abord est un récit très court où le corps toujours, ici celui d'une mendiante est un questionnement.  Une femme visite Venise, elle est seule au départ, arpentant dans le froid ses ruelles. Elle plane sur la ville, toute entière à cette pause, au-delà des contingences, satisfaite d'offrir à son gamin de cinq ans cette ville flottante, éthérée. Soudain, elle est happée par une figure de misère qui entrave la rêverie et capte le regard de l'enfant qui serre sa main. Un tas de chiffon, une main qui se tend et voilà comment la beauté de Venise sort de sa bulle factice. C'est violent parce que la mendiante surgit dans cet endroit sublime, tandis que la  narratrice est absorbée dans son bonheur, possédée par l'illusion de la beauté et la relation maternelle avec l'enfant. Le goût amer de la connaissance, chassés du paradis. A partir de ce jour, rien n'y fera, cette femme qu'elle appelle madame et qu'elle vouvoie, peut-être pour mieux la tenir à distance, réapparaitra sans cesse comme l'image même de nos impuissances et nos erreurs, un monde où la misère saute au visage quand on ne voudrait pas la voir. Elle convoque la littérature, celle de Victor Hugo et la poésie d'Emily Dickinson,  et de Baudelaire, "comme la meilleure des demeures quand tout s'est enfui". Isabelle Desesquelle est comme chacun d'entre nous, démunie. Femme de mots, elle voudrait en donnant ce récit ne pas passer son chemin, reposant par la même cette lancinante question : "Pouvons-nous étouffer, l'implacable remord ?" dernier vers de L'Irréparable de Baudelaire
Isabelle Desesquelles est une femme sensible qui s'agace et qui souffre mais à aucun moment dans ce livre, il n'y a de jugement, simplement un regard sur le monde parce qu'"A interroger notre humanité, on questionne notre inhumanité" et c'est ce qu'elle fait avec ce petit récit. Sauvons les âmes et les enfants d'abord....

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