vendredi 29 avril 2016

La Grande Arche Laurence Cossé éditions Gallimard

La Défense et ses tours font partie du paysage parisien et ceux qui sont nés "avant" comme Laurence Cossé on vu poindre à l'horizon de leurs fenêtres ces gratte-ciels maintenant intégrés dans la mémoire jusqu'à en oublier la tour Montparnasse noire et seule qui pointait comme une faute de goût. La Grande Arche a donné à l'ensemble architectural disparate une force et un centre. Laurence Cossé, journaliste et critique littéraire, producteur délégué à France Culture est une écrivaine française dont les romans sont souvent des enquêtes d'investigation sur des sujets contemporains. Les informations y sont précises, techniques mêmes comme dans la Grande Arche soutenues par une écriture sensible, une culture littéraire et un style remarquable, les rencontres sont relatées avec chaleur et humour, ce qui fait de ses livres de véritables œuvres de littérature et surtout passionnantes. Au Bon Roman publié en 2009 parle d'une librairie idéale où uniquement des chefs d’œuvre seraient en rayon choisis par de grands électeurs. On n'y voit que des lecteurs, des livres, des lectures sur fond d'intrigue policière dont la victime est...  la littérature, c'est follement amusant et incontournable pour ceux qui sont tombés dedans quand ils étaient petits. Elle a reçu en 2015 le Grand Prix de littérature de l'Académie française pour l'ensemble de son œuvre. Aujourd'hui elle revient donc avec la construction de la Grande Arche et formation de journaliste oblige, c'est très documenté, tant au niveau du financement, que des hommes qui ont porté le projet et des techniques de construction mises en œuvre. Chaque phrase de ce livre est une pierre à l'édifice, le monument prend corps, se charge de son symbole, de la sueur et des difficultés qui ont émaillées l'aventure. Le rêve, c'était le cube de Otto Von Spreckelsen, danois méconnu, auteur de quatre églises et de sa maison dans son lointain pays. Après Georges Pompidou, Valéry Giscard d'Estaing, c'est finalement François Mitterrand qui par un concours anonyme en 1982 choisira cette grande arche qui formerait comme un cadre au ciel où viendrait se profiler des nuages dans l'axe mythique des champs Élysées et de l'Arc de Triomphe. En haut le CICOM, le mystérieux et avorté projet d'un Carrefour International de la Communication. L'architecte perfectionniste, exigeant qui prévoyait les détails, idéaliste et peu réaliste va se heurter à une France aux décisions versatiles, aux rouages administratifs complexes. O. Von Spreckelsen dira de nous, français, dans le film de Dan Tschernia "Homage to Humanity" qui lui est consacré : "Un contrat est fait pour être rompu voilà ce qu'aiment les français". Cette incompatibilité a fait frôler au projet la catastrophe, la légèreté française se heurtant à la rigueur danoise. En 1985, O.Von Spreckelsen après avoir remis son avant-projet a tiré sa révérence, est rentré au Danemark, laissant à Paul Andreu la responsabilité de finir. Ça s'appelle jeter l'éponge. Un drame se joue là avec cet homme que Laurence Cossé décrit comme grand et beau, au sourire touchant. Un an après être reparti, O. von Spreckelsen est décédé, deux ans avant l'inauguration de l'arche qu'il n'aura jamais vue terminée. Ce livre est l'occasion pour Laurence Cossé de raconter Paris par l'histoire de ses monuments et la machine du pouvoir qui broie imperturbablement. Elle rend hommage à cet architecte malheureux dont les églises semble-t-il valent à elles seules un passage au Danemark et il faut lire la Grande Arche pour en découvrir la sobre beauté sous la plume de Laurence Cossé.

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