mercredi 27 mai 2015

La mémoire en blanc d'Isabelle Collombat aux éditions Thierry Magnier

Isabelle Collombat a reçu une formation de journaliste et c'est forte d'une expérience professionnelle auprès de réfugiés rwandais qu'elle écrit sur ce pays.
Léonie a dix-neuf ans, elle est danseuse et fait partie d'une troupe prestigieuse en Belgique. Dans le train qui la ramène à Lyon vers sa famille, le regard de Léonie s'attarde sur un groupe de jeunes noirs qui semble préoccupé. Elle les voit sur le quai en train de distribuer des tracts. Elle est interpellée mais sans se l'avouer, vraiment plus soucieuse de retrouver sa famille que de s'arrêter sur des pensées dérangeantes. Ses parents adoptifs sont là souriants, un peu guindés, un peu vieillis. Les retrouvailles ont cette raideur que Léonie a toujours connue chez sa mère. Adoptée après trois garçons  Léonie a eu une enfance protégée dans un milieu aisé. Dans ce cercle bourgeois, on cache ses chagrins et ses peurs, on donne le change, l'éducation l'apprend. Cependant des agressions s'enchainent sur Léonie et son entourage semant la peur. On ne peut plus traiter le problème avec légèreté. Quand figurante au défilé de la biennale de la danse, on tente de l'enlever, elle est au bord de la folie. Pourquoi, un étrange interlocuteur lui envoie-t-il des messages de menace, adressés à une certaine Alice sur son portable? Toute cette violence n'est pas le fruit du hasard. Sa mère, sous ses apparences froides et soignées perd aussi les pédales. Elle dévoile à Léonie sa véritable origine. Elle, qui se croyait née sous X dans un hôpital de banlieue parisienne vient du Rwanda ramenée en plein génocide dans un convoi d'enfants blessés. A l'aide d'une psychothérapeute très empathique, de son fiancé Raoul, d'un Etienne aux bras longs, Léonie va reconstruire son passé et celui d'un pays qu'elle connait mal. Son père n'est peut-être pas seulement l'homme d'affaire qui vend des systèmes de surveillance à l'étranger.  La narration suit les découvertes de Léonie et sa capacité à supporter de vivre avec, comme un thriller, alternant révélations, souvenirs d'enfance et documents historiques.
Isabelle Collombat raconte comment on est arrivé à ce génocide et la part de responsabilité des pays colonisateurs. Elle aborde la politique internationale et ce qu'elle cache d'intérêts privés. Elle fait surgir des figures engagées du monde humanitaire, des personnes ordinaires . On peut espérer que ce livre implacable emporte les adolescents dans son sillon et leur donne envie d'en savoir plus. Sensible sans tomber dans l'insoutenable, toutes les informations sont étayés par des chiffres terribles. Victimes ou bourreaux, les dégats collatéraux sont là pour des générations. Avec Isabelle Collombat, le devoir de mémoire s'ancre dans la littérature jeunesse. Cette passeuse d'histoire et d'Histoire réussit avec son livre à faire un tremplin pour ouvrir les yeux sur le monde, la famille et ses non-dits, comment devenir soi malgré tout et avec panache.

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