samedi 31 janvier 2015

Marina Bellezza de Silvia Avallone traduit de l'italien par Françoise Brun aux édition Liana Levi

I
Il y a dans la nuit noire du Piémont, une voiture qui avale les kilomètres avec trois jeunes gens, "grimpant le long de cette route déserte, pour se laisser happer par des gouffres de sapins et de broussailles, se demandant comment faire pour trouver un billard, un bar ouvert, pour que quelque chose enfin, arrive dans ce silence." Roman ancré dans notre époque, roman social d'une jeunesse désemparée qui doit s'inventer de nouvelles voies pour se construire un avenir, le livre de Silvia Avallone donne vie à deux protagonistes Marina et Andrea. Une histoire d'amour impossible se joue et se dénoue au fil des pages puisant dans le drame les rebonds d'une narration incroyablement dynamique, furieuse, instinctive. L'Italie de Berlusconi, télévisuelle et pailletée d'un succès de pacotille est le rêve de Marina "La beauté", incontestablement douée pour ensorceler le public. Andrea, étudiant en philosophie puis en agronomie, bibliothécaire par nécessité, n'aspire qu'à récupérer la ferme de son grand-père, invisible mais vivant, à la manière de ce cerf métaphorique qui apparait au début et à la fin du livre. Choc de deux ambitions contraires, la physique des corps les fusionne quand l'esprit de conquête les déchire. Et puis, il y a les poids des héritages familiaux, les parents.  A qui la faute? Qu'est-ce qu'être adulte? Il n'y a pas de solutions, si ce n'est apprendre à gérer le désir et la violence...  Il y a dans Marina quelque chose d'une Madame Bovary moderne, des rêves qu'elle poursuivra en défiant de ses  jambes sublimes la réalité. Andrea choisit le retour à la terre, s'obligeant à affronter l'essentiel d'une vie rudimentaire.
Techniquement, Silvia Avallone jongle avec ses personnages, on passe très rapidement d'un point de vue à l'autre. Elle anticipe pour le lecteur évènement à venir, faisant souvent craindre le pire, avant de reprendre la main. Le récit est maintenu dans un rythme effréné, haletant, passionné.
Une belle fiction qui arrive après D'acier un premier roman remarqué en étant finaliste du prix Strega. Silvia Avallone offre, à trente ans, un livre plus ciselé, avec des personnages inoubliables, enragés et désespérés. La vie brute "qui vaut la peine, malgré tout".

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