mercredi 19 mars 2014

Ceux qui reviennent de Maryline Desbiolles coll fiction et cie aux éditions du Seuil


Maryline Desbiolles, je l'ai rencontrée à Toulouse. Un soir d'Octobre après avoir erré pour trouver une place dehors alors qu'il y en avait une qui m'attendait à côté d'elle. On était très en retard avec Muriel, on avait déchargé les livres au Salon du Livre. Je me suis assise, là, à côté, la place était vide. Une conversation flottait dans l'air entre Vallotton et Claude Simon. C'était passionnant, excitant, surtout quand on n'a qu'une vague idée des oeuvres de Vallotton et que de Claude Simon on se souvient vaguement de La route des Flandres... Une rencontre chaleureuse qui part au galop vers l'idée de venir à Villefranche racheter un pull qu'elle avait trouvé là, il y avait quelques années déjà, et qui était un peu usé. Invitation et je rêvais déjà que je lisais tous ses livres. Elle viendrait. S'il fallait je tricoterai le pull-over pour finir de la convaincre. Bon, je n'ai pas encore commencé à tricoter mais j'ai lu deux de ses livres et on sent que Claude Simon n'est pas loin de même que Vallotton dans ses évocations. Son dernier, Ceux qui reviennent ( je pourrai rajouter à V de R ... un fol espoir) veut faire la biographie d'un inconnu. Téléphoner au hasard, choisir le premier venu sur la plage... Peu importe de toute façon il y a un rêve qui s'impose à la narratrice, aux oubliettes le projet.  Par contre le cimetière où le père de l'auteur a été récemment enterré, avec tous ces noms sur les pierres qui permettent d’échafauder des vies, lieu privilégié de toutes les élucubrations des âmes sensibles, va être le terreau de l'écriture. Entre fleurs à redistribuer et publicité perpétuelle du marbrier, ça c'est pour l'humour, il y a la rêveuse, celle qui lie et convoque la mémoire. Elle écrit en recomposant ainsi une famille à la fois proche et éparse. Au bout du compte, tout le monde est de la famille... Avec ses phrases qui parfois n'en finissent pas, Maryline Desbiolles sème ses petits riens mais aussi des grandes causes. Elle parle en confidence à nous qui devenons les témoins de ce qu'elle perçoit. Livre intime et poétique rêverie éveillée qui avance par association où le temps s'efface dans ses repères réguliers, où l'espace fait des grands écarts improbables. Elle tourne autour de la douleur, parlant peu de celui pour qui elle est dans le cimetière. Comme si étant parmi les morts, il les était tous, s'était joint au cortège. Pas d'affliction et d'apitoiement mais évocations qui sont autant d'hommages à des personnages comme Max G et Ange et Séraphin. Ces scènes là hantent profondément. De l'histoire du pays niçois au vol des grues cendrées, il y a là une femme qui pose sur le monde un regard généreux et attentif. L'air de rien ces visions qu'elle nous offre dévoilent des idées, des admirations, une personnalité attachante et une écriture belle de poésie qui change la couleur de la réalité du dehors.




J’ai été frappée par la peinture de Vallotton au sortir de l’adolescence. Une peinture bien plus violente que froide, parfois même cruelle. Elle m’accompagne depuis. Elle m’est contemporaine. Elle est contemporaine de ma propre solitude. La peinture de Vallotton ne me raconte pas d’histoires, ne me berce pas d’illusions, ne me jette pas des paillettes aux yeux. Mais je me sens épaulée par elle.

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