jeudi 23 janvier 2014

Indigne Indigo de Michel Chaillou collection fiction & Cie aux éditions du Seuil

"Des amis m'avaient dit : " Toi qui cherches une terre qui exagère ! " L'énergie de leurs paroles eût pu décider un mort. J'hésitai. A les entendre, ce ne serait plus tout à fait la Normandie et cependant pas encore la Bretagne, un pays vraiment à part.  Au moins 350 kilomètres de côtes, des falaises de légende, une trainée de grèves pâles à l'ouest, à l'est, où s'abattent l'hiver quantité d'oiseaux de mer. L'esprit se perdrait à vouloir les énumérer, me prévenaient-ils, connaissant de longue date mes manies. Ce désir permanent d'investigation, d'analyse des riens à propos de tout."
Voilà j'ai lu Michel Chaillou . Je l'ai lu parce qu'il était mort... C'est comme ça que je l'ai rencontré parce que ses fervents admirateurs l'avaient célébré. http://www.magazine-litteraire.com/actualite/hommage/michel-chaillou-nuit-langue-16-12-2013-118492
L'écriture de Michel Chaillou est incroyablement personnelle avec des mots rares qu'on cherche dans le dictionnaire, des associations percutantes. Jamais on ne le sent en abuser. Comme tous ceux qui maîtrisent un art, il n'y a que de l'aisance, jamais de prétention. 
Dans Indigne Indigo, Jean-Jacques Abernatis suite à un héritage inattendu cherche à quitter Paris pour se trouver une maison dans le Cotentin. Sa recherche va l'entraîner de bocage en marécage. Cafés
de villages et évocations de Barbey D'aurevilly créent un Cotentin sublimé où le débarquement fit l'histoire. C'est la rencontre de l'inquiétante étrangeté que la brume exacerbe et de l'anxiété d'un homme solitaire de 63 ans. Parcouru de désirs, assoiffé de connaitre, la maison parle et se peuple de fantômes aux langues indéchiffrables. Ancien bibliothécaire, il aborde le monde comme un livre... Il erre, traine, rencontre, revient, hésite sans cesse avant ce repas final qui à la manière d'un thriller révèlera le mystère qui palpite sous les vieux meubles. "Et la poussière vole autour de vous comme pour rassembler d'anciennes traces..."
Mon mot préféré "captieux"...
J'y ai appris que le chat de Chateaubriand Micetto appartint au pape Léon XII
J'aime : "Je n'aspire qu'au silence de l'eau dans la carafe, le vin déjà parlant un peu trop, l'épouse assez fardée d'une table voisine s'évertue à sympathiser avec mes monosyllabes." p47
Il est poète à la page 46 quand il écrit : "Ce satané hibou d'esprit, je pense, bizarrement qui nous cogne, ailes étendues aux murs de la planète, du système solaire" et mélancolique à la page 127 :"J'ai oublié son nom de famille. Je commence à tout oublier. Et quand on  oublie, ça veut dire que déjà on meurt. On ne peut vivre sans souvenirs."
Ses techniques de séduction font rêver...p 198 "Mon discours effacera-t-il mon âge! Ce qu'elle suppose de mon savoir gommant les rides! Un des avantages de la lecture, le livre mieux qu'un fond de teint. Car près de quinze ans nous séparent. Je l'obtiendrai peut-être par le bagout." 
J'ai adoré... 


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