Savoir qu'il y avait un nouveau livre de Cloé Korman dans la rentrée littéraire était une bonne nouvelle. En même temps j'aurai bien aimé qu'elle ne soit pas jetée dans la fosse aux lions, qu'elle ait de la place et ne soit pas mêlée à ces 555 sorties. C'est un livre précieux dont les qualités littéraires seront étouffées par des livres plus faciles et des sujets plus brillants. J'ai lu quelque part que Cloé Korman avait enseigné en Seine St Denis. Le roman serait né de cette expérience. On y croise d'ailleurs une prof qui nage dans ce milieu sans toujours trouver la rive mais qui sait tenir bon.
 Le livre 
commence sous le soleil d'Alger. Une amie de Nour raconte son départ 
pour la France après que son mari a cessé de donner brutalement des 
nouvelles. Marié depuis trois ans, ils ont une petite fille. Hassan ne 
revenait qu'aux vacances promettant à Nour qu'elle pourrait bientôt le 
rejoindre. A Alger, il ne trouvait pas de travail alors il était parti 
et s'était installé à Louveplaine dans l'immeuble Triolet, là où Nour 
débarquera à son tour. Mais dans l'appartement, seulement des traces 
d'Hassan et la solitude immense d'un endroit fait de couloirs, 
d'appartements qui résonnent, d'escaliers de secours et d'ascenseurs en 
panne. De Septembre à Avril, Nour va traverser le temps, reconstruire 
une histoire,  un espace où vivre. On croise Soufia infirmière de nuit 
et les ados aux vêtements noirs balisés de fluo qui dealent, dressent 
des chiens. Même quand ça trafique, jamais on est tenté de fermer la 
page. On ne s'agace pas, on lit embarqué dans l'observation fine des 
mobiles et des personnalités de chacun. Le langage des individus est 
pauvre, presque animal, tendu. Les chiens ont plus de franchise dans le 
regard que leurs maîtres qui rabattent la cagoule. Les flics sont 
malmenés, les politiques chantent faux, dans la forêt il y a un cerf au 
bois cassé comme le témoignage d'une époque plus naturelle. L'aspect 
poétique contrebalance en permanence l'ambiance urbaine et dramatique du
 sujet. On rentre difficilement dans cette histoire quand on habite une campagne protégée de la France du Sud-Ouest mais justement le livre de Cloé Korman nous fait sortir des verts paturages et c'est bien.
"Elle avait besoin d'air. Après être allée s'envelopper dans sa couverture elle retourna dans le salon et tira la fenêtre, posa le pied sur le petit balcon et plongea son regard dans la rue. En se penchant elle perçut des voix qui semblaient prendre corps sous les réverbères. Puis elle sentit monter vers elle l'écho des voies rapides et au loin un murmure, quelques aboiements et derrière les dernières tours de la cité, derrière la ligne du train et de l'autoroute, elle aperçut la masse du bois de Louveplaine. Elle recula et referma la vitre derrière elle." p 21
 

 
 
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