samedi 22 septembre 2012

La part manquante de Christian Bobin chez Folio

Il agit suivant nulle idée. Il agit suivant une idée très fuyante de lui-même, suivant une idée qui lui impose de ne jamais goûter au repos, sinon dans le mouvement. Il en est de lui comme de tous les hommes qui adorent la force lumineuse de la volonté : on pourrait croire qu'il ne dort jamais. Rien ne le ralentit, aucun sommeil ne l'encombre. On se dit en le voyant que, même endormi, il demeure attentif, aux aguets sous les feuilles mortes du sommeil. Les mauvais soirs, il raisonne. Il cède à la fatigue, au cynisme. C'est sa part de bêtise. Elle est sans doute inévitable. Il retrouve son intelligence avec le mouvement. Il restaure sa pensée par l'action. Il est dans la force de son âge. Il sera dans toute âge ainsi, dans la force du vide. Ce n'est pas ce qu'on appelle un personnage : il ne tient pas de rôle, ne tenant pas en place. Il fait de sa vie une œuvre éphémère, sans archives et sans restes. C'est une vie en voie de disparition, en cours d'effacement. C'est un homme sans visage. Un modèle plus rapide que le peintre, que le pinceau sur la toile.

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