Juste une photo pour démarrer, décrite minutieusement. C'est incroyable ce que l'on voit dans cet instant figé et élargi par l'écriture. On veut savoir. Qui sont ces personnages immortalisés? Grâce à une annonce passée dans Libération, Hélène Hivert est contactée par Stéphane Crüsten qui reconnait l'homme de la photo comme étant son père. L'intrigue avance de lettres en mails en passant par des descriptions de photos retrouvées, petits passages souvent très beaux où l'image se reconstruit sur les mots. Chacun cherche dans ses archives, dans sa mémoire, reculant parfois quand la vérité fait peur. Hélène Gestern contrôle les émotions par une retenue qui ne faillit jamais. A chaque découverte, on sent la blessure que la pudeur cache. Les secrets de famille sont des boîtes de Pandore cruelles qu'on rêveraient plus romanesques. Les survivants sont un peu morts avec ce qu'ils veulent effacer. Hélène Gestern fait dire à un de ses personnages :" D'une certaine manière, je suis rassuré de savoir que mon père aura été, parfois, vivant de son vivant." De l'ombre à la lumière, les photos sont impitoyables de vérité.
p 24 : "L'homme se tient face au miroir dans la lumière d'une fin de matinée printanière, qui découpe au mur des rectangles plus clairs. Sa chevelure a absorbé le parcours transversal des rayons solaires, et en ressort chargée de l'éclat d'une fourrure d'animal. Deux rides d'expression, comme des guillemets, barrent la zone intermédiaire des sourcils. Mais les yeux clairs ne cillent pas ; les quelques pattes d'oies qui les cerclent indiquent que leur propriétaire est en marche vers la quarantaine."
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