mercredi 10 août 2011

L'Origine de la violence de Fabrice Humbert éditions Le Passage publié en poche en 2010

Ce livre là, je l'ai rencontré plusieurs fois dans les critiques littéraires puis j'ai fini par l'acheter pour l'abandonner dans le tas. Enfoui sous d'autres achats, déterré par la recherche d'une princesse de Clèves, embarqué chez un coiffeur peu loquace, je n'avais pas franchement envie de me plonger dans un roman sur les camps de concentration, je suis à peu près normale... Qu'est-ce qu'un bon roman?  Un livre qui au delà de son sujet ouvre des pistes neuves, réinscrit l'histoire dans l'histoire individuelle sans pathos et touche à des émotions universelles. L'auteur, professeur de Français dans un lycée franco-allemand raconte comment lors d'un voyage scolaire, il a visité le camps de Buchenwald et fût stupéfait en regardant une photo de la ressemblance d'un détenu avec son père. Début pour lui d'une enquête familiale, qui le mènera droit à ses fantômes, fera tomber les draps pour dévoiler l'identité profonde des êtres dont il est au final l'héritier. Mélant culture littéraire à un simple questionnement d'homme face à l'indicible, on touche en creux à l'intime de la violence. Humbert ne s'en démarque pas, au contraire il l'intègre et arrive à mettre des mots sur une part d'humanité brulante et bien enfouie. "Là se lit peut-être mon rapport à la violence et à la peur. Jamais je ne dirai que l'écriture de ce livre a eu pour cause la chambre sombre de Martin Sommer. La cause, la vraie, est la découverte d'une photographie, avec toutes les révélations que celle-ci entraîna. Mais en même temps, je sais bien que cette chambre sombre est aussi creusée en moi, dans les profondeurs de mon être, et qu'un enfant y est enfermé. Je sais bien si je veux l'affronter, que des images noires, des étouffements et des violences sont enfermés dans mon corps et qu'un Martin Sommer toujours menace de me tuer. Et même s'il ne me tue pas, il m'effraie, ses énormes mains m'ont saisi depuis l'enfance. 
Une fois qu'elles vous ont serré, ces mains ne s'écarteront jamais. La peur ne vous abandonnera jamais, pas plus que la violence. Vous demeurerez toujours l'enfant terrifié - et donc l'adulte blessé, agressé, violent. Vous aurez beau ensevelir la peur, l'entourer d'un corps de marbre et d'acier, elle ne vous quittera pas. Le mal est sans remède."
Pour des raisons plus personnelles, j'ai trouvé profondément juste la personnalité du père, un être à la filiation difficile dont la fragilité et les habitudes sont extrèmement bien rendues. Il aborde aussi le travail d'enseignant, ses plaisirs et ses grandes douleurs, l'évidente facilité relationnelle avec les élèves quand on enseigne dans un lycée franco-allemand et l'enlisement rapide dans la relation conflictuelle dans les lycées des zones dites difficiles. Fabrice Humbert se montre très humain et d'une simplicité qui nous le rend proche avec un soupçon d'idéalisme et de nostalgie. 


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