mercredi 8 décembre 2010

Le siècle des nuages de Philippe Forest chez Gallimard

Le livre s'ouvre sur les débuts de l'aviation avec des vols plus ou moins réussis, des recommencements tenaces et ce ciel là-haut indifférent aux efforts des hommes. L'écriture prend cette route de nuages, dans des sphères où plus rien n'accroche le regard. J'ai été profondément déroutée par les ressassements laissant l' impression d'être engluée dans cette histoire. Philippe Forest raconte une vie qui a tracé un de ces panaches bien droits dans le ciel sans faillir pour se fondre l'instant d'après dans l'immensité. D'où sort cette idée de voler chez le père du narrateur? D'avoir regardé souvent les hydravions de l'Empire Imperial Airways se poser sur la Saône? "Ils descendaient depuis l'azur , laissant vers le bas grossir la forme de leur fuselage traçant doucement leur trait au travers des nuages." L'écriture est belle mais j'ai souffert du ton désabusé où se côtoient à la fois une version des faits et son contraire, où les hommes errent avec une "visibilité semblable à celle qui entoure un avion lorsque celui-ci tourne dans le vide opaque d'un ciel dépourvu de repères et où même les étoiles semblent être éteintes". Au cours de cette progression lente d'une vie qui se construit de retours en arrières en avancées incertaines, j'ai trépigné. Heureusement, l'histoire, la grande, forme une stratosphère passionnante autour de ce destin individuel. L'évocation de Mers el-Kébir est poignante et édifiante, remettant à nu ce que les livres dévoilent peu, la mésentente des alliés pendant la guerre et le rôle parfois peu clair pour le citoyen lambda du Général De Gaulle. La dernière partie, quand le père cesse "d'être au ciel" est très belle. Le temps s'accèlère, l'homme tente d'apprendre le grec par exemple, trie ses papiers, se défait de ses biens. Sa vie s'enfuit, les évènements historiques ne changeront plus le court de l'évidente fatalité : "Ne disant rien. Convaincu qu'il n'y  avait personne avec qui partager cette révélation dont d'ailleurs il n'aurait rien su raconter. Tant elle était simple et accablante." Philippe Forest a fait un très beau livre plein de mélancolie et de retenue, 555 pages qui pèsent lourd mais durent... un siècle. Pour des lecteurs qui n'ont pas peur des vols longs courriers!

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