lundi 22 novembre 2010

Crépuscule irlandais de Edna O' Brien aux éditions Wespieser

Crépusculaire et irlandais, tout est dans le titre, ne vous attendez pas à rire, c'est douloureux et pathétique. Deux voix s'expriment, une mère, une fille, à travers huit chapitres aux contours flous puisque chacune prend la parole sans que l'on sache dans les premières phrases qui parle. L'amour est grand entre ces deux femmes qui pourtant jamais n'arrivent à communiquer vraiment, touchantes par leurs efforts désespérés, inconsolables de ne pouvoir réussir enfin à témoigner l'une pour l'autre ce qu'elles ressentent vraiment. Dilly, la mère, vit en Irlande. Après une échappée en Amérique et un premier amour perdu, elle épouse un Irlandais alcoolique et violent. Sa fille Eléanora devient un écrivain célèbre et raconte l'Irlande austère, sauvage, rugueuse et religieuse. Ses livres sont très mal reçus dans le village où elle habitait. Sa mère, qui l'aime par-delà les souffrances que génèrent les critiques qu'elle reçoit directement de la part des voisins et de l'église, lui envoie des lettres où elle raconte ce quotidien, lui  envoie des cadeaux, lui fait part de sa tendresse. Ce livre n'épargne rien en regrets et remords dans un dialogue de sourdes où des femmes se racontent sans jamais s'entendre vraiment. Il y a dans l'épilogue une rencontre qui soulage, une scène lumineuse entre un chien rhumatisant et une porte de poêle ouvert. Beaucoup d'éléments autobiographiques sont présents dans cette histoire puisque Edna O'Brien a été très critiquée en Irlande, en particulier sur ses prises de position féministes religieuses. Elle a écrit en 1960 Les filles de la campagne, premier volume d'une trilogie qui fit scandale et fut brûlé dans l'église de son village. Il n'y a pas de grandes descriptions bucoliques de l'Irlande, il y fait froid, pluvieux et le confort est limité. Tout l'intérêt est dans le portrait psychologique des deux femmes, tellement profond et magnifiquement rendu qu'il rend ce livre inoubliable. La lecture en est  âpre et difficile. Dans un entretien accordé au magazine littéraire Edna O'Brien parle de sa mère  :" Je lui étais "sur-attachée", comme si le cordon n'avait jamais été coupé. Et pourtant, je l'ai défiée en choisissant la profession qui était à ses yeux la pire. Ou plutôt celle qui conduisait directement à la damnation". 
Un petit extrait qui donne le ton p344 :"Tu me demandes pour l'amour de Dieu de venir auprès de toi, sauf que ça implique de revenir en arrière, de revenir à cette franchise qui peut conduire au meurtre, cette franchise qui ne s'autorise que dans la folie du rêve."

1 commentaire:

richart6 a dit…

J'ai offert le livre à Isabelle, après avoir entendu une chroniqueuse de France-cul en parler en des mots semblables aux tiens, pleins de mélancolie et d'admiration. Merci de nous faire partager ton amour des livres. Biz, pierre