mercredi 6 février 2019

Antonia Journal 1965-1966 de Gabriella Zalapi aux éditions ZOE

Comme un soutien à l'émancipation, l'écriture du journal intime d'Antonia est une façon d'attacher son vécu alors que tout est dilué dans l'inconsistance d'un mariage raté,  d'un enfant qu'on voudrait aimer autrement, d'un avenir tracé dans l'ennui. Le journal est La chambre à soi de Virginia Wolf, le lieu où se forme le réel, où Antonia photographie son ressentiment.Le journal est une bouée dans l'océan d'une folie qui pointe. Il ne s'agit pas de détester pour détester les personnes de l'entourage, le mari ou la nurse, c'est l'enfermement qui révolte dans une vie imposée par des gens qui ont fait la leur et qui voudraient que la votre en soit la continuité. Les menus sont sophistiqués mais la digestion impossible. Antonia déblaie, vide les cartons qu'elle a en héritage de la mort de sa grand-mère, alors elle voit :
"Faut-il organiser cette mémoire ou la laisser se décomposer dans le temps?" p25
" Ces souvenirs catapultés dans mon présent me tourmentent certes, mais me donnent aussi la sensation de finalement toucher le sol, de m'ancrer dans le réel." p53
"Je dois tuer en moi la passivité, je dois tuer en moi ces réflexes de femme soumise, je dois tirer un coup de fusil sur mon immobilisme."p70
"Antonia, tu dois : émerger, apparaitre, sortir, te montrer, jaillir des tréfonds, manifester ta présence. Qu'attends-tu?" p71


La force du livre est dans l'ensemble, les phrases prises individuellement sont banales, mais les photos retrouvées, l'histoire qui se dessine, forment un poème, un tissu narratif captivant. Il existe chez Antonia une langue commune de la libération, celle qui s'agace sur les autres avant de s'orienter sur soi. Elle opère le léger changement d'angle, irréversible, qui va déséquilibrer tous les rapports. Et l'amour ressuscite le corps évidemment... Cependant fallait-il Fulvio pour échapper à tout ça?


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