lundi 6 janvier 2014

Opération Sweet tooth de Ian McEwan traduit de l'Anglais par France Camus-Pichon aux éditions Gallimard

Un roman qui se dévore, entre thriller politique et réflexions sur la littérature. Ian Mac Ewan adore les histoires qui s'imbriquent à la manière des poupées gigognes où la plus petite n'est pas forcément la plus inintéressante. On se demande même s'il n'a pas peur que sa vie soit trop courte pour satisfaire son imagination tant ce livre foisonne d'invention à en donner des vertiges de plaisir.
 Il fait dire à Séréna Frome celle de Opération Sweet Tooth "Les romans sans héroïnes ressemblaient à un désert aride." Effectivement  la belle Séréna, enthousiaste, à l'autodérision pétillante et aux goûts littéraires très personnels hors de tout académisme s'y donne corps et âme. Fille d'évêque à la foi "discrète et raisonnable", lectrice boulimique qui fera cependant des études de mathématiques parce "derrière l'apparence conventionnelle" de sa mère se cachait, "la petite graine bien vivace du féminisme" et qu'elle ne lui pardonnerait pas " si elle allait faire des études d'Anglais et se bornait à devenir une ménagère un peu plus cultivée qu'elle ne l'était." En pleine guerre froide, elle est recrutée par le M15 services secrets britanniques spécialisés dans la lutte antiterroriste et la sécurité intérieure. A la recherche d'écrivains véhiculant des idées capitalistes qui mettraient les derniers bastions des intellectuels communistes aux oubliettes, ils envoient Miss Frome à la chasse de l'écrivain idéal. Séréna est l'anti agent-secret, toujours dans l'émotion, une sentimentale invétérée. La littérature personnifiée n'a qu'à lui exercer une légère pression sur la main pour qu'elle tombe folle amoureuse. On attend la chute. Le thème permet tous les exercices, du cours de littérature à l'atelier d'écriture. Les auteurs anglais sont dans le roman (Barnes, Swift) et si l'autofiction est inévitablement à leur porte, il n'y a pas cette visibilité sans voile des auteurs français. Ian Mac Ewan se cache partout et nulle part et ce n'est vraiment pas le souci du lecteur qui est embarqué dans la fiction avec bonheur. De clin d’œil en clin d’œil, Sweet tooth démontre que l'écrivain est le maître absolu de son oeuvre, un homme libre qui peut aussi changer le cours du monde réel, manipule qui croit le manipuler. 

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