Mais pour moi..."
Il la peinte pourtant depuis leur première rencontre la soumettant sous son pinceau à de véritables avilissements dont elle semblait détachée. Mais le fait qu'il pénètre dans ce dernier bastion de l'intime, qu'est le journal est une véritable violence, une ultime perte d'identité après que "Gil avait posé le pied sur l'ombre d'Irène, quand il la peignait". Elle va prendre des masques et de costumes en costumes se découvrir une femme sous emprise. En parallèle, il y a les powows avec les indiens qui ponctuent la narration comme des danses de guerre. Les enfants vont développer chacun avec leur personnalité des méthodes de survie pendant que le couple se détruit buvant le vin jusqu'à la lie, sans ivresse. Entre scènes de terreur où la destruction de soi, de l'autre n'est jamais loin et consultations décevantes chez la médiatrice conjugale, le récit creuse profondément l'analyse. Toute la perversion des liens est disséquée dans une structure narrative exceptionnelle. Un regard lucide qui sait dire la rage, la frustration, le désir amoureux, tend en permanence le lecteur vers l'inévitable tragédie. L'écriture polyphonique est parfaitement maitrisée et génialement subtile. Le "je" qui dit "tu" avant de laisser place à un recul vers la troisième personne fait qu'on est littéralement happé. Franchement magnifique à cause d'Irène qui refuse de continuer de fuir en avant et de Gil qui "nourrissait pour sa famille une sorte d'attachement désespéré, car il savait que sur un plan fondamental tous se dérobaient à lui". La démonstration est implacable. " Combien de fois t'ai-je répété qu'il est affreusement difficile de résister à l'attrait du moment historique? De l'acte, de la vérité immédiate qui change tout? (...) Il y a toujours beaucoup de moments, il n'y en a jamais un seul."
Les ombres sont les vraies maitresses du jeu mais "il est possible de capturer une âme grâce à une ombre. C'était inscrit dans la langue ojibwé. Waahaamoojichaagwaan..."
Louise Erdrich est née en 1954. Elle a reçu le National Book Award en 2012.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire