mercredi 12 juin 2013

Le pont invisible de Julie Orringer traduit de l'Anglais (Etats-Unis) par Josée Kamoun aux éditions de L'Olivier

 Un roman qui raconte l'Europe mouvante de 1937. On ne peut pas s'empêcher de penser à Elias Canetti et Stéfan Zweig avec cette traversée de l'Europe où les nationalités se croisent dans un grand cosmopolitisme. Je ne pousserai pas plus loin la comparaison. 
L'histoire commence à Budapest où avec la montée de l'antisémitisme, des quotas étudiants empêchent les juifs d'accéder à l'université. Andràs, cependant, réussit à intégrer l'Ecole Spéciale d'Architecture à Paris. On le suit dans le quartier latin et le marais, il est attachant dans son émerveillement, son éveil à l'amour, effleuré déjà par le drame qui couve inévitablement
Evidemment, il est brillant, beau et généreux. Il va tomber amoureux de l'énigmatique Klara, hongroise elle-aussi au passé mystérieux, issue d'une riche famille. Elle est la mère d'une grande fille de 16 ans... Mais que s'est-il passé quand elle en avait quatorze  et qu'elle lui a donné naissance? Andràs l'aimera corps et âme malgré l'opacité qui l'entoure, la différence d'âge et de milieu social. 
Le roman instille progressivement tous les ingrédients nécessaires à une belle saga. Une histoire d'amour compliquée entre ruptures et retrouvailles, l'exil et ses nostalgies, l'antisémitisme galopant, la guerre imminente, le monde des artistes, Paris bien sûr, homosexualité, violence, sexe. La guerre éclate et tout est bouleversé. Andràs et ses frères sont envoyés dans des camps de travail obligatoires ou au front. De drames en retours fugaces mais intenses dans les familles, tout y est ou presque pour nous ensorceler, avec des ressorts narratifs bien huilés. Vous pouvez affronter un long voyage en train ou oublier la promiscuité bruyante et dénudée de vos voisins de plage en révisant l'histoire et les rebondissements de la seconde guerre mondiale en Hongrie.  Ce n'est pas léger, il y du drame et de la souffrance. Julie Orringer raconte à merveille un peuple, des familles se retrouvant autour de rituels religieux profondément ancrés dans le quotidien, les héros, les lâches et les méchants...


- Ecoute-moi bien, Béla Lévi, chuchota le rabbin dans le demi-jour de la synagogue. Tu n'es pas ensorcelé. Dieu exige les choses les plus difficiles de ceux qu'il aime le plus. Tu vas jeûner deux jours durant et tu prendras un bain rituel, après quoi tu accepteras la première offre qu'on te fera."p107

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