Le livre retrace les pérégrinations d’Alexandre Yersin
pasteurien des premières heures, génie touche-à-tout. Cet homme peu connu du
grand public doit remercier Deville de l’au-delà de lui avoir rendu un si bel
hommage. De la peste à l’agriculture, du coca à la fabrication de vaccins, de
l’exploration de territoires encore vierges aux premiers pas des
télécommunications, Yersin est un étonnant personnage un peu misanthrope,
toujours assoiffé mais désolé que le monde perde son temps en mondanité et en
guerres. On sent Patrick Deville empathique de ce doux dingue pas si dérangé
que ça puisqu’il se construit un empire colossal à Nha Trang finançant ses
recherches grâce aux cultures et élevages qu’il développe. Peste et Choléra est
une mine d’anecdotes scientifiques et historiques sur l’Indochine, l’évolution
des moyens de transport et la formidable ébullition du monde. C’est merveilleux
de rencontrer un homme qui a fait à peu près tout ce qu’il a voulu en sachant
ne jamais s’asseoir dans le fauteuil de l’auto-satisfaction. Le style de
Deville est particulier, il est parfois insistant. Il apparait régulièrement en
fantôme du futur assidu comme s’il regrettait de n’avoir pas vécu cette époque
du tout possible jouant avec la réalité pour mieux la dévoiler. C’est
historiquement nourri d’une incroyable documentation et c’est sûrement ce qui
enlève à ce roman « le romanesque » qu’on aurait pu espérer y
trouver. On se fatigue en effet à le suivre, ce Yersin mais quand on referme le
livre, on ne peut retenir un sifflement d’admiration.
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