mardi 24 juillet 2012

Les morues de Tition Lecoq aux éditions du Diable Vauvert

Avec sa couverture Barbie et son titre chick lit, je faisais ma bêcheuse devant ce livre que j'avais pourtant offert à ma fille sur les conseils de ma librairie préférée : la Folle Avoine. Les Morues est à la fois un livre grave et plein d'humour, qui parle sentiments amoureux et amitié,  lamine le couple et révise le féminisme, aborde des problèmes socio-économiques et traumatismes psychologiques. Ema se souvient de la soirée Kurt Cobein et de la présence de Fred avec son tee-shirt "In Utéro". Charlotte était là aussi, fiancée du nommé "Tout-Mou". Puis elle s'est tiré une balle dans la tête laissant à ses amis cet inévitable sentiment de culpabilité et les questions essentielles sur le sens de leur propre vie. Comprendre la mort de Charlotte est pour Ema l'occasion d' un vrai questionnement sur elle-même et son entourage. Pour le lecteur, c'est un éclairage passionnant sur les trentenaires.  Au rythme des passages dans le club des Morues qui s'est écrit une charte féministe hilarante de ce qui est permis ou non,  des filles se racontent entre amitié, choix et renoncements. Elles se battent surtout contre elles-même et leur furieuse tendance à se consumer sur place, s'observant sans complaisance dans leurs histoires de couples. Mon personnage préféré c'est Fred, celui qui pose la question de la réussite. Malgré lui parce qu'il est intelligent, il se retrouve au premier plan et tente d'y échapper. Plus difficile de se faire passer pour imbécile quand on est doué que doué quand on est un imbécile!
p 52 "Alors que l'absolue majorité de son entourage - allant de sa famille jusqu'à son institutrice de CP - considérait que Fred, après un certain nombre de brillantes réussites, avait définitivement sombré dans l'échec, lui-même préférait se dire que pour échouer, il aurait déjà fallu tenter quelque chose. Qu'il ait eu tous les outils pour "réussir" et qu'il ait délibérément choisi d'échouer était un scandale absolu qui faisait de lui un être à part - un paria. Fred s'étonnait encore que personne n'ait songé que le malentendu relevait peut-être de leur définition de la réussite. Pour tout un chacun "réussir" (en l'occurrence sa vie) semblait impliquer de faire "mieux" que les autres, être au-dessus. Pour Fred, "réussir sa vie", c'est-à-dire rien d'autre qu'en être satisfait, c'était avoir la même vie que tout le monde, sans rien justement qui le distinguerait. (...)
Mais par un curieux paradoxe, cette volonté d'être comme tout le monde suffisait à faire de Fred quelqu'un de marginal. Et chaque jour, il butait sur cette aporie."


 Le livre touche souvent des cordes sensibles avec la dérision en tonalité majeure. C'est réjouissant sans être parfait parce qu'il n'approfondit pas assez les sujets qu'il lance mais Les Morues cherchent juste à être fidèles à elles-mêmes sans donner de leçons. Idéal pour  les vacances et les hivers tristes, à lire toute l'année donc en écoutant quelques uns des morceaux de la bande son proposée à la fin de chaque chapitre.

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