mercredi 13 juin 2012

Portrait de femme de Henry James traduit de l'anglais par Claude Bonnafont chez 10/18

S'embarquer dans ce roman magistral est envoutant malgré l'épaisseur et une histoire assez simple presque "fleur bleue". Isabel Archer, jeune orpheline américaine sans le sou, est emmenée par sa tante Mrs Touchett en Angleterre dans sa famille. A Gardencourt, son mari le vieux monsieur qui s'est fait une belle fortune personnelle dans la banque est très malade et son fils Ralph tuberculeux entretient avec lui des liens très forts. L'arrivée de cette jeune-fille à l'éducation américaine pleine d'idéaux et d'indépendance va réjouir les deux hommes qui chercheront à lui offrir une vie confortable afin qu'elle puisse réaliser ses rêves. Les femmes agissent, décident pendant que les hommes dans leur sillage jouent au chat et la souris. Isabel à la séduisante énergie teintée de franchise cherche sa vérité. Elle ne tarde pas à recevoir des propositions de mariage d'un Lord qu'elle éconduira dans un soucis de rester au contact du monde. Isabel refuse de céder à la facilité d'une vie tracée d'avance par la fortune et l'éducation là où bien des femmes auraient accepté sans condition de perdre un peu de leur liberté. Mr Goodwood, riche américain lui offre à son tour de l'épouser mais elle refuse demandant à son soupirant deux ans de réflexion pour mieux connaitre le monde. Cet homme là a l'opiniatreté d'un homme d'affaire mais un amour sincère qu'Isabel sent beaucoup trop possessif. C'est Osmond, veuf et père d'une gentille fille, qu'elle choisira. Présenté par la merveille de perfection qu'est sa grande amie Mme Merle, Isabel est séduite par cet homme cultivé, collectionneur, au dilettantisme calculé dont elle ne verra que trop tard le pervers intérêt pour sa fortune. Voilà, les principaux rouages de l'histoire sont jetés mais Henry James par une technique d'écriture particulièrement travaillée maintient du suspens tout le long du roman. De savantes mises en scène des différents points de vue ( surtout féminins, ceux des hommes restent toujours un peu flous) éclairent progressivement le drame, le secret qui se joué à l'insu de l'héroine; Beaucoup d'émotions malgré l'incroyable retenue des dialogues, la place que Henry James laisse aux lecteurs pour imaginer ce qui se trame. C'est brillant. Et la fin nous laisse les bras ballants devant une Isabel qui repart pour on ne sait quelle folie. Entre Jane Austen, Musil et Virginia Woolf,  il y a là un livre sublime.

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