dimanche 24 juillet 2011

Une vie à part de Jane Smiley traduit de l'américain par Aline Azoulay aux éditions Rivages

Née dans le Missouri, Margaret est la première fille d'une famille nombreuse. Confrontée douloureusement à la mort de ses deux frères ainés, décédés avant d'atteindre l'âge adulte, elle comprend très jeune l'illogisme et la fatalité de ces deuils. Avec l'un de ses frères, elle a assisté à une pendaison dont elle ne se rappellera pas grand chose mais qui marquera sa façon d'être au monde, un peu en retrait, spectatrice de ses propres drames. Son père était médecin. Il se suicide quelques mois après le décès de son deuxième frère, certainement parce qu'il ne supporta pas de ne pas avoir su le sauver d'une rougeole. Margaret part donc avec sa mère et ses soeurs vivre chez le grand-père maternel. Elle épouse tardivement Andrew, scientifique mégalomane et paranoiaque. Sa vie de couple devient rapidement un cauchemar. Elle se pliera cependant toujours aux exigences tyranniques de ce mari qui a, entre autre la furieuse folie de prouver que les théories d'Einstein sont fausses. Installée à San Francisco, cette fille un peu falote qui fait ce qu'on attend d'une femme mariée à l' époque, ne s’appesantissant pas sur ses déceptions, toujours positive et dévouée, rencontrera des personnalités qui l'amèneront vers le réveil. Il y a sa belle-soeur, impossible à marier femme libre et téméraire, puis Pete l'homme séduisant et sensible, les Kinamura famille japonaise qui ouvriront ses yeux par le biais de l'art. Ce qui est passionnant c'est comment l' histoire personnelle de Margaret s'inscrit dans les évènements historiques d'une période troublée par le tremblement de terre de San Francisco, deux guerres mondiales, un crack boursier, des découvertes scientifiques. Tous ces bouleversements sont pris dans le sillage d'une écriture dynamique, suivant une construction  qui bondit d'une date clef à l'autre. Pas de chapitres, le début du roman se situe en 1942 juste après Pearl Harbour puis nous propulse en 1883 puis s'arrête à des périodes qui condensent l'essentiel. Vers San Francisco, coeur géographique du livre, des liens sont lancés du monde entier à Margaret . Si elle ne bouge pas, les lettres témoignent. Famille et amis parcourent le monde. Cette ville fourmille d'une foule vivante et palpable, cité cosmopolite qui prend chair et se reconstruit à chaque explosion, ébranlée mais préservée dans son essence profonde tout comme Margaret l'héroine. Durant ces 407 pages d'Une vie à part, on est à San Francisco,  marchant parmi  la foule des habitants de cette mégapole que Janes Smiley fait revivre. Aucune agence de voyage n'offrira une telle rencontre historique et humaine, vacanciers c'est le moment de mettre ce livre dans une valise.

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