dimanche 3 juillet 2011

A feu et à sang de Manuel Chaves Nogales traduit de l'Espagnol par Catherine Vasseur aux éditions du Quai Voltaire

 Il s'agit de neuf nouvelles sur la guerre civile espagnole écrites dès 1937 alors que Manuel Chaves Nogales était exilé en France. A travers des faits historiques précis, il met en scène la bêtise qui mène les hommes dans ces guerres où la cruauté règne sur les idéologies. Les héros sont anéantis, les brutes effarantes et les imbéciles profonds. Un livre passionnant sur des faits historiques bien proches de nos frontières qui pose des questions sur la reconstruction possible d'un peuple après de tels évènements. Dans chaque histoire, beaucoup de passion que l'écriture magnifique de Nogales sait révéler sans parti pris et on est abasourdi par l'extrémisme de ces hommes et femmes qui met mal à l'aise et nous rend  tous coupables. Dans la première nouvelle, un père militaire soupçonné d'être fasciste revoit une dernière fois son fils communiste. C'est de cette entrevue sobre et terrible qu'est tiré cet extrait :
Il chercha son père du regard, à la faible lueur jaunâtre de l'unique ampoule électrique éclairant l'endroit. Il était là, assis au bord d'un grabat, sa tête blanche et hirsute inclinée sur la poitrine, les bras pendants entre ses jambes. Valero s'approcha lentement. Le vieux leva la tête, le vit et parut se réjouir ; mais il ne fit pas un geste.
                   - Bonjour, père.
                   - Bonjour.
                   - Comment vas-tu ?
                   - Comme tu vois.
                   - Je voulais savoir si tu avais besoin de quelque chose.
                   - Non, rien. 
                   - Je vais rester avec toi un moment. 
                   - Bien ; assieds-toi. 
Et il lui fit une place au bord de la paillasse.                                          Faute de pouvoir se parler, le père et le fils sortirent des cigarettes et se mirent à fumer.
 (...)       
Il s'était sacrifié pour la patrie ; et il ne trouva de consolation que dans la fierté d'avoir consenti à ce sacrifice. Il resta dans l'armée, perpétuant un culte idolâtre aux mythes glorieux qui avaient ruiné sa jeunesse, enchaîné à sa triste vie d'officier sous-payé, éternellement voué aux minables garnisons de vétustes cités misérables. Dans ce pays vaincu dont le peuple haïssait les militaires, son uniforme et sa subordination à l'Etat furent sa croix et son honneur. Quand lui naquit un fils, il voulut l'affranchir de cette servitude sans gloire et sans avenir ; il fit de lui un universitaire, un intellectuel. Le fils devint communiste.


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