Il chercha son père du regard, à la faible lueur jaunâtre de l'unique ampoule électrique éclairant l'endroit. Il était là, assis au bord d'un grabat, sa tête blanche et hirsute inclinée sur la poitrine, les bras pendants entre ses jambes. Valero s'approcha lentement. Le vieux leva la tête, le vit et parut se réjouir ; mais il ne fit pas un geste.
- Bonjour, père.
- Bonjour.
- Comment vas-tu ?
- Comme tu vois.
- Je voulais savoir si tu avais besoin de quelque chose.
- Non, rien.
- Je vais rester avec toi un moment.
- Bien ; assieds-toi.
Et il lui fit une place au bord de la paillasse. Faute de pouvoir se parler, le père et le fils sortirent des cigarettes et se mirent à fumer.
(...)
Il s'était sacrifié pour la patrie ; et il ne trouva de consolation que dans la fierté d'avoir consenti à ce sacrifice. Il resta dans l'armée, perpétuant un culte idolâtre aux mythes glorieux qui avaient ruiné sa jeunesse, enchaîné à sa triste vie d'officier sous-payé, éternellement voué aux minables garnisons de vétustes cités misérables. Dans ce pays vaincu dont le peuple haïssait les militaires, son uniforme et sa subordination à l'Etat furent sa croix et son honneur. Quand lui naquit un fils, il voulut l'affranchir de cette servitude sans gloire et sans avenir ; il fit de lui un universitaire, un intellectuel. Le fils devint communiste.
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