dimanche 8 mars 2009

Bonheur fantôme de Anne Percin aux éditions du Rouergue coll La Brune

Rosa Bonheur




Pierre, 28 ans s'est acheté une maison entre La Flèche et Le Mans en bordure d'une départementale toute droite dans cette région plate, de champs coupés de maigres bosquets. Entre les chats et les chiens recueillis, il alimente son poële à bois, se fait apprenti jardinier, discute avec Paulette la vieille voisine, se saoule chez Jean-Michel à La Chaumière et tient une brocante. Il est "pêcheur de lune", il a résolu de "mettre son nez dans les affaires des autres, dans leur poussière, leur saleté, leur mémoire, leurs amours, leurs fantômes". Dans ce décor, Pierre se découvre doucement en parlant des autres mais surtout indirectement de leurs amours et du sien. "Les histoires des autres, c'est ma spécialité, je voudrai les enregistrer, les collectionner, les surgeler, les archiver, les mettre dans des bocaux avec des étiquettes". Il raconte Paulette et André, ses voisins à l'histoire simple puis le couple de ses parents. Il y a d'ailleurs une très jolie scène avec sa mère qui cuit des beignets dans la cuisine familiale, quelque chose de pudique mais aussi de sentimental en équilibre au-dessus d'un gouffre de mélodrame dans lequel on craint parfois de tomber. Mais non, Anne Percin réussit à protéger son héros de la mièvrerie en soutenant tout le récit avec des épisodes de la vie et les choix de Rosa Bonheur, peintre féminin spécialiste des représentations animalières mais surtout pionnière du féminisme avec Georges Sand. Rosa Bonheur peignait des vaches charolaises, des chevaux et des moutons : "d'une modestie effarante" certes mais d'une simplicité éternelle capable d'émouvoir celui qui est sensible à la campagne, à son silence, à son vide. On apprend qu'à l'époque de Rosa Bonheur, il fallait une autorisation pour porter le pantalon... Le portrait tout en finesse de cette femme qui a mené une vie hors-norme amène des réflexions sur la liberté d'aimer sans revendiquer son appartenance à quelque communauté que ce soit.
La voix désabusée du héros du livre est hanté par des fantômes mais vibrante de désir, de sensibilité, de tendresse. C'est un hymne à l'amour dans une lecture un peu sucrée mais bien revigorante et rassurante.

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